rencontre intéressante (Danny)

Après une longue nuit, Sandstorm se décida à aller dans la forêt, à la fois pour se dégourdir les jambes et pour améliorer ses pointes de vitesse. Bien qu'elle fusse trop vieille pour ce genre de jeux, elle prenait plaisir à sentir le vent dans ses oreilles et à dépasser ses limites. Elle se mit au trot, en zigzaguant entre les arbres nombreux, s'éloignant du camp. Au bout d'une trentaine de minutes, elle débarqua dans une partie qu'elle ne connaissait pas, allant en général à l'opposé. Bien qu'elle soit dans le territoire de Forêt Noire, elle n'en fut pas moins à l'affut et et ralentit jusqu'à passer au pas. Les oreilles bien droites, elle se dirigea vers une des parties les plus obscurs, le soleil ne pouvant pas lutter avec les feuilles épaisses des chênes et des hêtres.
La jolie palomino débarqua alors dans une plaine immense, avec un petit étang et un grand rocher. Elle fut bouche bée devant ce spectacle que la nature lui offrait. Après avoir examiné chaque mètre carré de la superficie du terrain, elle en conclu que ce serait son lieu d'entraînement. Elle en fit 2 fois le tour au petit galop, puis se posta à un bout du pré. Elle piaffa d'impatience et quand et fut prête, elle s’élança. Ses sabots martelant le sol, sa crinière s'ondulant à chaque foulée, là, maintenant, elle se sentait bien. Contre son gré, elle s'arrêta, essoufflée, et profitant encore de son instant à elle seule, elle se dirigea lentement au pas vers l'étang truffé de nénuphars. La jument but de longues gorgées et levant la tête vers le soleil, elle comprit que l'après-midi commencerait bientôt.
Pourtant, une odeur familière ténue l'incita à s'approcher. Elle distingua bientôt une forme foncée, noire ou grise, en train de marcher à une allure pressée. Elle reconnut le gardien du troupeau, Danny, un étalon sympathique qu'elle n'avait pas eu le temps de connaître. Elle comptait sur aujourd'hui pour en apprendre plus sur lui. Elle l'interpella :
"He, Danny, attends-moi !"

"Temps agréable pour se balader dans les parages n'est-ce pas ?"
L'étalon l'observait avec un grand sourire, et attendait sa réponse.
"Oh oui, vu la chaleur qu'il y a en ce moment, une balade en pleine forêt ne fait jamais de mal !"
Effectivement le soleil tapait dur, et trouver un coin d'ombre pour dormir sans brûler était un miracle ! L'été promettait d'être compliqué si il ne pleuvrait pas bientôt. Son voisin risquait l'insolation dû à sa robe foncée. Sandstorm fut tout à coup heureuse de sa robe claire, bien qu'elle eut un pincement au cœur en revoyant la couleur de sa mère, presque identique à la sienne. Ses yeux pivotèrent vers le sol, et la jument palomino vit une grosse touffe d'herbe fort appétissante devant elle, et elle ne put s'empêcher de l'engloutir goulument, tant elle avait faim.
Danny la regarda amusé et elle se mit à rire d'un rire nerveux, gênée de son manque de tenue devant lui.
"Excuse moi, je n'ai pas mangé depuis hier soir et j'ai fait des pointes de vitesse. Bref, aucune importance, on fait le chemin du retour ensemble ?"
Au fond de son cœur, Sandstorm priait Spirit pour que l'étalon gris accepte. Il serait un excellent ami, et dès son arrivée, elle l'avait remarqué par sa bonté d'esprit et sa joie de vivre intacte malgré le temps ou les difficultés qu'ils avaient vécu dans le camp. Elle ne doutait pas que leurs tempéraments colleraient et espérait qu'elle deviendrait sa meilleure amie. La jument était possessive, c'est pour cela que le rang de "juste" ami, ne lui suffirait pas.

Sandstorm fut gênée par son attitude gamine face à lui. On ne pouvait pas faire confiance à une jument aussi immature qu'elle. Elle se détesta un instant puis secoua la tête et se promit de faire attention à son comportement. Elle se redressa puis suivit Danny jusqu'à être à sa hauteur.
"Alors te plais-tu depuis ton arrivée ici ?
"C'est un lieu magnifique, j'aime beaucoup, c'est très sympa, et grâce à notre petite forêt, l'herbe reste fraîche et ça nous permet de nous reposer à l'ombre. C'est le lieu idéal pour vivre. Forêt Noire est un chef de goût, il est très compréhensif et je ne le remercierais jamais assez d'avoir accueilli ici une jument affamée et affaiblie aussi bien mentalement que physiquement. Mes parents étaient des cracks aux courses, j'ai hérité de leur vitesse donc les plaines me permettent de renouer avec eux du mieux que je peux."
Elle eut un pincement au coeur et se concentra sur sa marche assez rapide, effectivement, avec ses grands membres, Danny avait des difficultés à marcher doucement, à tel point que parfois elle dut trotter quelques foulées pour le rejoindre !  Les ombres commencèrent à se déplacer et l'apres-midi passait vite dans ce coin de paradis en une ci bonne compagnie! Elle se sentit égoïste donc poursuivit leur discussion.
"Et toi, comment as-tu débarqué dans ce coin ?"

Hochant la tête au fur et à mesure du récit de Danny, Sandstorm le remercia intérieurement de ralentir l'allure. Son histoire lui parut assez terrible, et elle se demanda si les humains étaient tous des monstres. En tout cas, si ce n'était pas le cas, elle en avait bien l'impression. Autour d'eux, la forêt commençait, elle aussi, à souffrir du soleil. Les herbes séchaient par endroit, et devenaient jaunes.

"Et toi, as-tu connue des bipèdes ?"
La question du noir raviva en elle des souvenirs assez désagréables. Elle déglutit difficilement et raconta à son tour son histoire, la voix légèrement tremblotante. Elle n'en avait pas reparlé depuis son arrivée, ayant raconté à  Forêt Noire les grandes lignes de l'histoire. Pourtant, le noir avait été honnête, pourquoi ne le serait-elle pas en retour ?


"Je suis née dans une écurie, bâtiment assez luxueux, où l'on s'occupait de nous assez brutalement. Un homme s'est agrippé à moi et m'a enfourché. Le mors me défonçait les lèvres, la sangle était trop serrée. Pourtant, je n'ai pas osé le virer, sûrement par peur. Ils m'ont entraîné de force dans un cercle de sable, et avec une cravache, ils m'a labouré la croupe jusqu'à ce que je daigne avancer."

Des images se bousculèrent dans son esprit, toutes plus horribles les unes que les autres, et elle ferma les yeux quelques secondes, inspirant profondément. La palomino se concentra sur ma marche puis repris :

" Ils m'ont entraîné pendant des semaines, voire des mois, puis un jour, je me retrouvas confrontée à d'autres juments. Je crois bien qu'ils avaient fondé sur moi de grandes espérances, et je les déçu profondément, ne sortant pas de la boîte du départ de la course. Je fus battue et un homme en blouse vint même m'appliquer des crèmes. On m'emmena chez quelqu'un d'autre, plus brutal si possible, puis un jour, la porte du camion, s'ouvrit et je m'enfuis, jusqu'à vous trouver."

Sandstorm put de nouveau respirer régulièrement, puis secoua la tête en virant les ondes négatives qui tournoyaient autour de son esprit. Elle lança un regard qui se voulait rassurant à son compagnon, qui la regardait avec inquiétude. Il est vrai que ces épisodes de sa vie n'ont pas toujours été simple, et bien que ce soit passé, repenser à ça lui faisait perdre toute son assurance.

Elle se remit rapidement de son histoire, la beauté du paysage l'aidant fortement. L'étalon lui donna un coup de museau à l'encolure, la réconfortant maladroitement, mais cela lui fit du bien. Elle se remit au petit trot, pour le rattraper, comme il avait repris sa vitesse normale. Elle qui se croyait grande était en fait minuscule à côté de lui, et elle ricana intérieurement, se moquant d'elle-même. Il reprit la parole, d'un coup :
"Enfin tous ne sont pas si mauvais, j'imagine que plus d'un d'entre eux sont doués d'une certaine sensibilité... Nous n'avons juste pas eut les bons"
La jument à la robe dorée hocha gravement la tête, en l'espérant pour les chevaux qui avaient un cavalier. Lors des courses, elle en avait vu qui réconfortaient et félicitaient leurs juments, en fonction de leur place. Il lui proposa ensuite, à la vue du panorama plus plat, sans arbres, de se dégourdir les pattes. Il se mit au trot, et elle maugréa pour la forme :
"Peut-être pour toi, mais pour moi, c'est signe d'une course !"
Sandstorm se mit au petit galop, se mit à sa hauteur, lui lança un regard narquois et accéléra rapidement. Elle se trouva rapidement en avance, et hennit de joie, heureuse de retrouver ses origines. Elle rigola, voyant le noir diminuer au fur et à mesure qu'elle prenait de la vitesse, le chemin idéal. Un nuage de poussière se formait autour d'elle, et ses sabots fins martelaient le sol avec rythme. Sa queue blanche fouaillait l'air joyeusement, et ses yeux brillaient, ne pensant plus à rien.
"Eh bien, pas très rapide, pour un aussi grand cheval que toi ! Montre-moi ce que tu vaux !"
Elle cria presque, le vent déportant sa voix, et lui faisant perdre des décibels.

Bercée par son galop régulier bien que rapide, Sandstorm en avait presque oublié Danny, qui tentait sûrement de la dépasser. Elle tourna la tête, et le vit, bien plus près que la dernière fois, au triple galop lui aussi. La dorée sourit en le voyant peiner, puis finalement cesser sa course :
"Tu as encore les restes de l'entrainement... Je crois bien que la course n'est pas mon domaine. Par contre, moi je sais franchir tout type d'obstacle... Mais je crois que je vais ralentir"
Fière, la réformée ralentit à son tour et l'attendit. On remarquait qu'elle était du milieu des courses ! La joie l'envahit, et elle piaffa de contentement. La palomino se mit aux côtés du noir, qui était légèrement essoufflé, mais qui semblait content de cette course folle.
"C'est fort probable, mais je m'entraîne, je saute des haies sans les toucher, maintenant !"
Amusée par le fait qu'ils se défiaient mutuellement en fonction de leurs entraînements avec les humains, elle sourit, et huma l'air délicieux de la forêt dans laquelle ils s'engouffraient au petit trot. Le bruit de leurs sabots contre les feuilles sèches la firent frémir de plaisir, et elle écouta le gazouillement des petits oiseaux qui voletaient au-dessus d'eux. Sa longue queue blanche pendait misérablement sur le sol sec et attrapait au passage les petites brindilles tombées des grands arbres caduques.
Une grande flaque d'eau régnait en reine dans un petit lieu sans végétaux, et elle s'y dirigea, un peu assoiffée de leur course. Elle plongea la tête dans le liquide, et but avec bienvenue l'eau fraîche et délicieuse.
"Tu veux boire ? Mine de rien, tu es rapide pour un cheval qui ne connaît rien aux sprints. Tu as une bonne allure."