If you can make me smile, I'll remember you

« Pourquoi je ne le serais pas ? Quelles avantages aurais-je être méchant avec qui que ce soit ? »

  La jument était fort intriguée par cet étalon. Il était l'un des seuls qui possédait plus de graisse que de muscle, tant les chevaux des soldats étaient entraînés. Mais malgré tout, il paraissait garder une certaine forme, songea-t-elle, quand elle le vit partir au trot. Elle n'eut pas même le temps d'esquisser un mouvement d'accélération, afin d'éviter un violent coup de talon, mais son bourrin de cavalier fut plus rapide. Il enfonça ses éperons dans son flanc, et elle grogna intérieurement, rêvant de le mordre, tout simplement. Mais elle reporta son attention sur l'alezan, reprenant sa silencieuse investigation. Il paraissait réellement sincère, et donnait une impression de sérénité qu'elle appréciait. La force tranquille, en quelque sorte. Elle eut un léger sourire, ne sachant que répondre à son interrogation. Il y en avait qui aimaient franchement s'amuser du malheur des autres. Quelques-uns de ses congénères riaient de voir des têtes déprimées. C'était pathétique.

  Naturellement, ils calquèrent leur pas l'un à l'autre. Ainsi, le borgne faisait, en plus d'être gentil, attention aux autres. Isis se sentait de mieux en mieux en cette compagnie, mais ne comptait pas se dévoiler dès maintenant. Ils restaient tous les deux attentifs, se jetant des petits coups d'œil de temps en temps. Puis il reprit, légèrement essoufflé :
« Je sais qu'on ne se connait pas vraiment.. Même pas du tout… Seulement je t'assure qu'être méchant ne fais pas partie de mes cordes… Enfin j'espère que tu le découvriras par toi-même ! Pourquoi le serais-je alors que tu n'es pas hostile ? »

   La baie lui lança un regard étonné. Beaucoup la trouvaient sèche au premier abord, et pour cette peine ne la pensaient pas généreuses et sympathique une fois détendue et sûre de ne pas être brisée par la suite. Lui, lui proposait en cette réplique de mieux le connaitre, avait touché juste. Elle se sentit d'un coup plus importante, d'être aimée aux yeux d'un autre. Qu'elle disparaisse le lendemain face du mal à quelqu'un. Ce sentiment de solitude qui occupait ses pensées se faisaient moins ressentir, grâce à cet Hurricane. Son sourire s'élargit. Il avait touché en plein cœur, d'instinct. Puis, elle se reprit, et redevint plus neutre. Il ne fallait pas qu'on ressente sa joie. Elle reprit, un peu plus guillerette :
"On me dit peu agréable. Alors je ne suis pas habituée à parler comme ça, sans me faire presque agressée. Donc ça m'intriguait, c'est tout."

   Elle secoua la tête. L'étalon la trouverait peut-être très renfermée, mais elle était en ce moment plutôt disposée à discuter. Plus que d'habitude, en tout cas.

Hurricane lâcha un léger rire, comme si ses mots étaient amusants, alors qu’ils ne l’étaient pas du tout. Il n’avait sûrement pas, lui, essuyé les remarques cinglantes, quant à sa froideur naturelle. Mais, à elle, on lui disait. Alors qu’à cette Khyda, c’était motus et bouche cousue. On ne lui remarquait pas qu’elle était aussi glaciale qu’un iceberg, mais dès son passage les moqueries fusaient. Au fond, c’était mieux qu’on ait eu l’honnêteté de le dire, car elle avait pu s’en rendre compte.  Elle l’observa, alors qu’il contredit les paroles des autres :
« Pourtant je te trouve plutôt agréable. »

La baie osa un réel sourire, et baissa les yeux, ne supportant pas le regard de l’alezan. Elle était, il fallait le dire, un peu embarrassée mais agréablement surprise, malgré tout. Les compliments n’étaient pas les mots les plus faciles à avouer, et il l’avait fait avec un naturel déconcertant. Il prit à son tour le trot, et baissa la tête, chose qu’elle était bien incapable de faire, et qui lui donnait extrêmement envie. Oh, que ce cavalier était agaçant à lui tirer sans cesse sur la bouche, alors qu’elle obéissait déjà ! Mais que pouvait-elle faire de plus, à part avancer plus quand il lui demandait ? Heureusement, les deux s’étaient calqués sur un rythme commun, et le bleu ne l’embêta pas plus que ça. Elle put donc se concentrer sur la dernière question que venait de lui poser l’autre.

« Ca fait longtemps que tu es ici ? »
Isis se replongea l’espace d’un instant dans des lointains souvenirs. Elle repassa en vitesse l’épisode de la capture de ses parents par les nomades, ne souhaitant pas s’aventurer dessus, puis décompta approximativement le nombres d’années qu’elle était là. Deux ans, ou trois, au maximum. Entre les deux, sûrement. Cela faisait un bon bout de temps, quand même, mais elle ne s’y sentait toujours pas à l’aise avec les équidés.

« Merci. Toi aussi, tu es plutôt … Sympa ? », l’interrogea-t-elle, pataugeant entre les compliments qu’elle pouvait lui dire sans pour autant qu’il ne pense qu’elle était gaga. Parce qu’elle ne l’était pas du tout, même si, même si après tout, il était vraiment gentil. « Deux années, je pense. Et toi ? »