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Sujet: « As gods gave up their desolate paradise. » Mer 13 Jan - 16:16
Là-haut, les froides étoiles demeuraient impassibles à la tourmente qu'elles illuminaient. Dans leur valse nocturne, il n'y avait place pour les soucis des grouillants. Des rampants cantonnés au sol. Et comment les en blâmer ? S'il avait pu s'enfuir si loin, s'il avait pu s'arracher à ce monde qui lui paraissait à présent étranger, Anoki aussi, aurait dansé. Sans un regard en arrière. En se débattant contre la culpabilité d'avoir, une fois encore, cédé à sa faiblesse. Il devait se faire une raison. Il n'était venu au monde que pour fuir. Et il finirait par fuir à nouveau. Par abandonner tout ce qu'il avait juré de protéger, tous ceux qui croyaient naïvement pouvoir s'appuyer sur lui. Il disparaîtrait loin de ses fils, de ses frères, de sa vie. Et il irait de l'avant, avec le cœur un peu plus mort encore.
Qu'est-ce qui le retenait encore ici ? Qu'est-ce qui faisait obstacle à sa formidable lâcheté ?
La chaleur d'une main contre son garrot lui en donna la réponse. Anoki n'avait plus d'espoir, plus de volonté, plus de courage. Mais il avait Bidziil. Celui qu'il avait attendu toute sa vie durant. Plus que son cavalier, plus que son ami, plus que son frère, Bidziil était le fil qui le tenait debout. La force immuable qui faisait battre son cœur. Dans le lien qui s'était tissé entre eux, si étroitement, il y avait cette promesse qu'ils vieilliraient ensemble. Qu'ils mourraient ensemble. C'était la seule chose à laquelle aspirait Anoki, désormais ; mourir aux côtés de celui qui lui avait rendu la vie. Jamais, avant que le vieux Sioux n'apprivoise lentement son cœur, le kerry bog ne s'était senti à sa place. Et il était venu dans sa vie, en toquant doucement à la porte, en attendant d'y être invité, alors que l'étalon saignait ses larmes dans l'obscurité. Ils avaient pleuré ensemble, à travers leurs sourires. Pleuré cette vie qui s'en allait si facilement. Pleuré cette douleur qui enfouissait ses racines si profondément. C'était une guerre dans laquelle ils avaient tant perdu. Mais ils s'y étaient trouvés. Et Bidziil avait offert un refuge à l'animal brisé. Puis le refuge était devenu un foyer. Mais, dans tout cela, il n'y avait jamais eu que Bidziil. Dans chaque sourire, dans chaque acte de gentillesse ou de bravoure, dans chaque bataille livrée, dans chaque étincelle d'amour, ce n'était que Bidziil. Cet Anoki n'existait que parce que, un jour, un cheval qui attendait la mort avait rencontré un homme. Mais ce cheval brisé subsistait encore, et anéantissait peu à peu l'être auquel il avait donné naissance. Ce cheval-là n'avait jamais su protéger ses fils.
Le kerry bog sentit quelque chose d'humide contre sa peau. Il tourna la tête vers l'homme qui, appuyé contre son dos, pleurait. Bidziil ne pleurait jamais. Bidziil était fort, brave, dans le combat contre ses larmes. Anoki l'avait été aussi, un jour. Peut-être étais-ce là le signe qu'ils allaient enfin pouvoir se reposer. Et mourir, ensemble. Comme cela était écrit, depuis le premier jour.
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Sujet: Re: « As gods gave up their desolate paradise. » Mer 13 Jan - 22:44
Le regard humide du vieil indien se portait vers ce qu'il demeurait du camp : des volutes de fumées au-dessus des cendres d'une vie. L'étalon l'imita. Et il pleura. Ce n'était pas seulement leur foyer qui avait été détruit. Leur foyer, c'était partout où ils seraient ensemble. Ils pleuraient les souvenirs d'un temps révolu. Les êtres qu'ils avaient perdu sur le chemin. La noirceur venue, et celle à venir. Là-bas, au bord de l'immuable rivière, c'était le spectacle de leur déchéance. C'était le signe que rien ne serait plus jamais pareil. Que les blessures ne guériraient jamais tout à fait. Que des temps sombres se profilaient, et que ce qu'ils avaient perdu jusqu'alors s'effacerait face à tout ce qu'ils perdraient encore.
C'était à ce même endroit qu'Anoki avait tant aimé se trouver, autrefois. Sur ce surplomb des montagnes d'où son village paraissait si petit, et pourtant si vivant. Les rires des enfants, les jappements des chiens, les femmes qui rouspétaient après leurs maris et les maris qui rouspétaient après leurs femmes. Les poulains qui jouaient dans les pattes. Okiwotahena qui dégringolait d'un arbre. Son esprit vagabonda vers la mère de ce dernier. Une jument dont il ignorait ce qu'elle était devenue. Un beau jour, Bidziil et lui étaient rentrés de la chasse pour trouver un étranger au camp. A présent, Neloe n'était plus un étranger ; il vivait avec la tribu, et veillait — difficilement — sur le fils de sa jument disparue. Espérait-il encore le retour d'Asrae ? Anoki avait longtemps songé qu'elle était sans doute partie de son plein gré, même s'il était ardu de l'imaginer fuir son cavalier. C'était une jument pleine de force et de caractère. A présent, il se faisait à la noire idée que, s'il y avait un autre monde après le grand passage, il l'y retrouverait sans doute. Comme il retrouverait Roses. Sa douce Roses, qu'il avait rencontré à l'endroit même où il se tenait. La jument qu'il avait aimé, désespérément. Ça n'avait jamais été cet amour tacite et profond qui l'attachait à Bidziil, ce lien apaisant, caressant, qui lui donnait l'impression qu'ils se connaissaient sans même avoir à dire. Roses, c'était vivant, palpitant, c'était l'envie d'exister à travers ses yeux, de la découvrir un peu plus à chaque instant, d'apprendre par cœur chacun de ses souffles. Son monde s'était effondré lorsque, un matin, il n'y avait plus eu sa voix pour en maintenir les fondations. Tout était devenu noir et glacé, lorsque son étoile s'en était retournée vers le mystère dont elle était apparue. Son amour était mort avec la perte de ses anges. Reverrait-il jamais sa belle, et son fils Hypérion, sinon au-delà du dernier sommeil ?
Son esprit lui échappa avec une nouvelle larme, lui rappelant cette autre fois où elles avaient coulé. Où il s'était abandonné auprès d'un autre, pour partager cette douleur dont il ne pouvait parler. Peut-être Stardust l'oublierait-il bientôt. Ce serait pour le mieux. Qu'avait-il à offrir au bel argenté, sinon un miroir de sa peine ? Il lui avait ouvert son cœur comme il ne l'avait jamais fait avec personne. Mais cette épaule dont le gris avait besoin, ce ne pouvait être celle du kerry bog. Il était déjà trop faible pour se porter lui-même. C'était uniquement par égoïsme qu'il aurait souhaité, en cet instant, sentir encore son corps près du sien. Mais il était là-bas, derrière les murs de la forteresse du désert — en sécurité. Et il voulait songer que, près de lui, il y avait Hurricane. Comme pour le gifler, le ramener à la raison, secouer son espoir, l'image de l'alezan se dessinait dans la brume de ses pensées. Mais il avait déjà perdu l'espoir. Revoir son ami, une dernière fois. C'était un souhait qui lui faisait mal. Mal, parce que Anoki savait qu'il mourrait. Il le sentait en lui, si intensément. Comment pourrait-il supporter de se trouver si près de Hurricane, et de savoir que c'était là des adieux ? Ne pas lui avouer qu'il ne voyait plus que la fin pour lui ? Comment aurait-il pu oser ternir ainsi le soleil dans son œil, la chaleur dans son sourire ? Il savait que, parfois, souvent même, Bidziil songeait lui aussi à son ami du Fort. Mais Colt et Hurricane appartenaient à une époque révolue. Une époque heureuse. Il n'y avait plus que de la tristesse, à présent. Et leur souvenir ne devait jamais être tâché de celle-ci. Là-bas, au Fort, Anoki avait laissé une partie de sa vie. Mais ils étaient si loin. Et les kilomètres étaient aussi vides que sa poitrine.
Le mouvement de Bidziil le tira de ses remembrances, et il s'aperçut qu'il sanglotait. Son cavalier, plus digne dans ses larmes, se laissait glisser au sol pour s'y asseoir. Il gardait la tête haute et le regard tourné vers l'ancien village, malgré les gouttes salées qui glissaient le long de ses joues. Elles traçaient les contours de ce visage anguleux et sévère, si familier et pourtant si différent. Sur sa peau acajou, les soucis avaient dessiné les sillons de l'âge ; et ses cheveux de jais se paraient ici et là de tons grisonnants. Le kerry bog se demanda si, lui aussi, vieillissait comme ça. Combien d'années leur restait-il ? Le moins possible, voulait-il espérer. Il caressa du bout du nez la joue de son cavalier, abîmant sur sa peau les larmes salées. Bidziil s'appuya contre son chanfrein, glissa sans un mot ses doigts osseux dans sa crinière. Les paroles étaient bien inutiles. Anoki s'abandonna à sa lassitude, et, comme si ses larmes lui pesaient trop, plia les genoux et s'étendit contre son ami. Sous l'éclat froid des étoiles, ils pouvaient bien pleurer. Il n'y avait rien d'autre à faire.
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D'inquiétantes disparitions sont à signaler, touchant chaque groupe, mais plus particulièrement les indiens et les solitaires, qui sont plus vulnérables.
Les troupeaux se sont organisés pour se protéger de cette menace invisible ; celui de Forêt Noire reste groupé tandis que les gardiens du troupeau d'Atlas multiplient les tours du territoire et restent aux aguets.
Les indiens ont l'interdiction de s'éloigner du camp seul, les soldats ont renforcé les patrouilles et les nomades surveillent activement les enclos des chevaux, tout en constatant le pillage de leurs cultures et de leurs pièges, certainement dus à des cavaliers solitaires profitant des tensions dues aux disparitions.
Les solitaires, eux, doivent rester sans cesse sur leurs gardes. Les tensions sont vives entre les différents groupes, qui s'accusent mutuellement des disparitions.
Certains auraient aperçu d'étranges cavaliers montés sur des chevaux richement harnachés, qui semblent éviter le contact...
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