"Et les étoiles là haut, sous leurs regards de diamant froid" - [Libre] Ft. Sandstorm

Asrae se sentait nostalgique.
Le temps avec les nomades était passé et ne reviendrait plus, tout comme elle ne reverrait jamais le nomade qui l’avait élevé et dont elle n’avait gardé que le fils.
Neloe n’était pas à la hauteur du talent de son père. Il n’avait aucune assiette, gênait ses déplacements, était impatient et prompt à la colère.
Mais elle n’avait qu’un seul cavalier, et refusait d’en chercher un autre. Il avait des qualités, elle en était sûre. Il fallait juste lui laisser plus de temps. Avec du temps, il apprendrait.

Elle s’ébroua. Comme pour se débarrasser de ses problèmes trop envahissants.
Au dessus d’elle, brillaient les étoiles. Le ciel était dégagé, et la lune absente. Tout l’invitait à s’envoler dans la nuit. L’aube l’attendrait pour se réveiller, décida t-elle.

Asrae s’élança dans un galop vertigineux, filant entre terre et étoiles, plus loin, plus vite qu’elle n’avait jamais été, comme ivre du monde qui défilait sous ses sabots. Elle avait l’impression de voler. Le vent caressait sa robe, jouait avec ses crins, exaltait ses sens. Un tapis d’herbe amortissait le choc de ses sabots contre la terre, les arbres s’approchaient brusquement d’elle puis disparaissaient derrière, avalés par la vitesse.

Alors le ciel se fondit dans la terre dans un panorama de diamants étincelants.
Et Asrae sut qu'elle rêvait. C’était un beau rêve.
Si elle continuait, peut être galoperait elle assez loin pour rencontrer une étoile ?
Martelant le sol de ses sabots, elle s’élança d’un bond vers le ciel.
La jument chuta comme une pierre dans un liquide glacé. Le froid l’électrifia, et elle sortit tout à fait de l’état mi rêve mi réalité dans lequel elle s’était enfoncée.
Trempée, pitoyable, elle regagna la terre ferme et se retourna face au responsable de cette situation.
L’étang était magnifique dans la nuit. Les étoiles se miraient dedans, étincelantes et lointaines, seulement troublées par les vagues que sa chute avait soulevées. L’eau était si limpide qu’on devait en voir le fond en plein jour, l’endroit idéal pour une baignade en plein été.
Et peut-être y reviendrait-elle, songea la jument rouge avec une moue amusée. L’été. En plein jour. Alors qu'il ferait chaud.
Crinière et queue étaient plaqués contre elle, trempés, dégoulinants. Elle soupira doucement, et se coucha sur la rive. Juste un instant, le temps que son pelage redevienne sec, se promit la jument.
Elle eut tout le temps d’observer l’onde de l’étang s’apaiser et le reflet des étoiles revenir, calme et intact, sur l’eau.
Sa méprise était difficilement compréhensible. Comment avait elle pu confondre ce paisible lac avec une étendue infinie semblable à un ciel ou à la mer ?
Elle avait vraiment eu la sensation de rêver, songea t-elle.

Épuisée par sa course, elle n’y pensa pas bien longtemps avant d’échapper à ses promesses et au monde réel et de s'endormir d’un sommeil profond.

© wild bird

Elle se réveilla brusquement, heurtée par quelque chose.
Sur le qui-vive, prête à fuir s'il s'agissait d'un prédateur ou un danger, elle ouvrit les yeux... pour tomber sur une jument à la robe couleur sable, qui semblait assez paniquée.
"Et moi qui pensais pourtant ne pas être un paillasson.", grommela t-elle assez bas, ce réveil brutal ne la laissant pas dans sa meilleure humeur.
Sur ce sarcasme, l'aubère se leva puis s'ébroua dans un nuage de poussière. Elle leva les yeux vers le ciel: la nuit, toujours, mais son poil avait bien séché. Enfin, elle retourna un regard agacé vers l''inconnue, un peu indécise toutefois de la conduite à tenir.

© wild bird

Les paroles de l'inconnue lui firent dresser un sourcil amusé:
"Ma robe ? Avec la nuit ?"
Elle tourna son regard vers sa croupe, d'un blanc immaculé, qui se détachait tel un fanion dans la nuit, puis revint à la jument. Celle-ci s'était avancée vers le lac et avait bu quelques gorgées avant de rendre un regard amical à Asrae.
Elle eut un petit rire, puis abandonna, ça arrivait à tout le monde d'être distrait après tout.
A son tour, elle s'avança et avala quelques goulées de l'eau claire.

© wild bird

Sandstorm leva les yeux aux ciels suite à la réponse de l'autre jument, se disant qu'elle ne serait jamais douée pour se trouver des excuses. Qu'importe, l'aubère eut un petit rire et s'en alla boire à sa suite. Elle était pardonnée. La palomino retint un soupir de soulagement et se demanda pourquoi elle ne la chassait pas de son territoire. Mais peut-être n'y était-elle non plus pas invitée ? Elle évita de poser la question de peur d'être impolie, et s'engagea à prendre la discussion, l'autre ayant étanchée sa soif.
"Je me nomme Sandstorm. Et toi ?"
Elle-même fut étonnée de la tournure étrange que prenaient les événements, les deux juments semblant ne pas chercher à parler troupeau. La galopeuse avait tout à fait relâché ses muscles et se sentait totalement en sécurité. L'aubère devait avoir le même état d'esprit ayant bu elle aussi. Pour une fois que des rivaux s'entendaient de cette façon ou ne se détestaient pas !

Asrae termina de boire, puis alors qu’elle relevait la tête, la jument se présenta et l’interrogea.
"Asrae, répondit-elle, avant de reprendre d'un ton amusé: Enchantée, malgré ces circonstances plutôt inhabituelles."
Oui, inhabituel était le mot. Elle ne rencontrait pas des chevaux en se faisait marcher dessus par eux tous les quatre matins. Surtout des chevaux avec une odeur aussi étrange. L'aubère connaissait l'odeur portée par les nomades, celle portée par les soldats ou encore par les indiens... Mais celle-ci lui était inconnue. Et ce n'était pas une solitaire, c'était une odeur de groupe. Peut-être une sauvage ?
A l'exception d'un bref aperçu d'un troupeau de loin, elle n'avait jamais rencontré de sauvage.
Elle s'ébroua, puis jeta un nouveau regard au ciel, sans avoir la moindre idée du temps qu'il restait avant le levé du soleil.

© wild bird

 
Voyant l'autre lancer un regard au ciel, Sandstorm suivit son regard et resta quelques secondes, comme hypnotisée, les yeux au ciel.Les étoiles commencèrent à se diviser mais le ciel était encore très lumineux. La palomino, qui adore l'eau, mit ses membres antérieurs dans le lac et s'amusa à s'éclabousser. Elle éclata de rire, galvanisée de ce bonheur intense, et incompréhensible. Consciente du regard de l'aubère, elle cessa son jeu, honteuse et réfléchit au sens des paroles de l'autre jument qui la regardait, amusée. Elle décida de se lancer dans le sujet fragile, désireuse de savoir à quelle tribu appartenait Asrae, ne sentant aucune odeur sur son pelage original :
"Hum, excuse moi de ma curiosité mal placée, mais de quelle tribu es-tu ? Moi, je viens du troupeau de Forêt Noire, le puissant étalon."
Elle adorait vanter les qualités de leur chef avec ses compagnons, mais devant une inconnue, elle préféra éviter, ayant mis les pieds dans le plat. Le regard désormais fuyant, elle ne souhaitait pas découvrir ce que pensait son aînée, de par son regard. Elle se secoua, de petites gouttelettes jaillissant de son encolure, comme des flocons de neige. Ce spectacle la ravit, comme toujours. 

La jument entra soudainement dans l'eau, et, levant haut l'antérieur, joua à faire étinceler les gouttelettes au clair de lune, riant de bonheur. Asrae poussa un soupir. Elle l'aurait bien rejointe, mais, déjà qu'elle venait à peine de finir de sécher... Elle préférait éviter une nouvelle séance à attendre, malgré la beauté et la douceur de la nuit.
Finalement, la palomino se stoppa, et elle lui demanda:
"Hum, excuse moi de ma curiosité mal placée, mais de quelle tribu es-tu ? Moi, je viens du troupeau de Forêt Noire, le puissant étalon."
"Oh, fit-elle, Je ne suis pas dans un troupeau. J'appartiens à un humain."
Mais ainsi, son hypothèse se vérifiait. Forêt Noire ? Cela ne lui disait rien. Est-ce qu'elle était censée le connaitre ? Peut-être que oui, pendant ces années passées avec les nomades, sans doute aurait-elle pu s'y intéresser...

wild bird

La nuit était tellement douce que l'eau lui collant à la peau ne la refroidissait même pas, ce qui l'arrangea, car prise dans son jeu, elle n'avait pas pensé aux conséquences de sa baignade. Sandstorm observa l'aubère et crut déceler chez elle un étonnement. Bien sûr qu'elle connaissait Forêt Noire, le contraire est impensable !

"Oh. Je ne suis pas dans un troupeau. J'appartiens à un humain."
La palomino refoula un sentiment de panique, voyant que l'autre appréciait son ... Humain, voyant la façon dont elle le disait. Elle ne portait plus les bipèdes dans son cœur pour des raisons évidentes, qu'elle ne souhaitait se le rappeler. Elle hocha donc la tête, ne souhaitant s'attarder sur le sujet le moins du monde. Asrae la fixait, attendant sans doute une réponse de sa part, et la plus grande comprit qu'elle devrait sûrement reprendre la parole.
"Oh, c'est ... cool ... Et sinon, tu restes longtemps dans le coin ?"
Elle espérait pouvoir croiser une nouvelle fois la jument, la trouvant assez sympathique, pour le peu qu'elle lui ait parlé. Toutefois, mieux fallait savoir si elle croisait un homme seul, de ne pas lui faire de mal. Elle baissa les yeux, et vit une touffe d'herbe fort appétissante, qui lui donne l'eau à la bouche. Elle hésita quelques secondes, puis d'un geste brusque, elle la chopa. La palomino observa l'autre droit dans les yeux, en mâchouillant paisiblement.

Soudain, une idée lui traversa l'esprit. Sur les terres de qui se trouvaient-elles dans ce cas ? Elle avait dépassée les limites du territoire de son troupeau, et Asrae n'était pas non plus chez elle.

"Au fait, tu sais où l'on est en ce moment ? Enfin, je veux dire, sur quel territoire?"

La palomino sembla tiquer en apprenant ses origines.
"Oh, c'est ... cool ... "
Quel actrice brillante, songea t-elle avec sarcasme, sans se vexer pour autant de sa réaction. Est-ce que l'autre jument comptait la haïr pour ses relations avec les humains ? L'aubère avait déjà rencontré quelques congénères qui avaient réagit ainsi. Mais la palomino, lança juste, changeant brusquement de sujet:
"Et sinon, tu restes longtemps dans le coin ?"
Avec un nouveau regard vers le ciel - complètement inutile, car il ne bougeait pas en cinq minutes - Asrae répondit:
"Du tout, je suis loin de mon humain, et il faut que je m'arrange pour rentrer avant l'aube... D'ailleurs je ne vais pas tarder à repartir."

Sandstorm ajouta:
"Au fait, tu sais où l'on est en ce moment ? Enfin, je veux dire, sur quel territoire?"
"Je crois qu'on est sur le territoire d'une harde. Quand j'étais chez les nomades... Enfin, j'ai déjà vu des troupeaux par là, et si ce n'est pas le tien..."
La jument rouge hausse un antérieur.
"On ne risque pas grand chose à cette heure de toute façon."

wild bird

"Tu veux que je te raccompagne un bout de chemin, comme tu dois rentrer ? Il ne faudrait pas que ton humain s'inquiète."
Asrae se hérissa face au ton moqueur de la jument. Elle répondit, un peu froide:
"L'humain que j'autorise à monter sur mon dos va plus m'engueuler qu'autre chose, et je le savais parfaitement en partant pour la nuit."
Elle fit une pause pour se calmer, et reprit d'un ton moins sec, mais toujours emprunt de sarcasme:
"Mais puisque la jument sauvage que tu es daigne supporter ma présence de jument domestique quelques instants de plus, ce serait un honneur de marcher un peu avec toi."
Puis elle se détourna et partit sans attendre la palomino, ruminant ses sentiments contraires. L'aubère se sentait coupable de lui avoir si sèchement répondu, mais en même temps ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle l'avait bien mérité, après l'avoir ainsi cherchée.
Elle renâcla, puis se décida à s'arrêter pour attendre Sandstorm, prête à faire la paix selon l'accueil que lui réserverait la grande jument.

wild bird

Ft Asrae

Et les étoiles, là-haut, sous leurs regards de diamant froid

"L'humain que j'autorise à monter sur mon dos va plus m'engueuler qu'autre chose, et je le savais parfaitement en partant pour la nuit."
La réponse cinglante d'Asrae surprit la palomino, qui ne se moquait que gentiment. Susceptible peut-être ? Elle s'étonna, ayant vu quelques secondes plus tôt une douce jument, calme et rassurante. Elle n'eut le temps de répliquer, que l'aubère continua sur sa lancée, un peu moins sèchement.
"Mais puisque la jument sauvage que tu es daigne supporter ma présence de jument domestique quelques instants de plus, ce serait un honneur de marcher un peu avec toi."
Et elle partit, prenant la direction du campement du nomade, qui l'attendait sûrement impatiemment, et de pied ferme, d'après ce que l'autre disait. Sandstorm inspira longuement, bien décidée de ne pas montrer qu'elle était énervée qu'on pense ça d'elle. Elle resta quelques secondes, indécise. Puis, la grande jument la rejoignit au petit trot, voyant que la nomade l'attendait, sans doute honteuse de sa réaction inappropriée. Elle ne se laissera par marcher sur les sabots, ça s'était certain. Son caractère de pur-sang, au sang chaud, elle le tenait de son père, pour le peu qu'elle l'ait connue. Finalement arrivée à ses côtés, elle régla son allure à l'aubère, et lui répondit :
"Cela te dit quelque chose l'humour ? À voir ta réaction, non. Excuse-moi de ne pas porter les humains dans mon cœur, mais bon, chacun ses mauvais goûts, tu ne crois pas ?"
Elle se mordit la langue, voyant qu'elle avait été trop loin. Pourtant, la palomino ne s'excusa pas pour autant, et attendit impatiemment la réponse de l'autre, se demandant ce qu'elle trouverait à redire à ça.

HRP:

   

made by pandora.

La palomino la rattrape avec de grandes foulées, et lâche:
"Cela te dit quelque chose l'humour ? À voir ta réaction, non. Excuse-moi de ne pas porter les humains dans mon cœur, mais bon, chacun ses mauvais goûts, tu ne crois pas ?"
Asrae penche la tête avec une incompréhension feinte, amusée par la réplique de Sandstorm, là où elle aurait sans doute dû la piquer:
"L'humour ? Je connais... Je crois."
Elle lui renvoie un regard innocent - enfin, elle espère, mais l'aubère sent des flammes d'amusement danser malgré elle dans ses prunelles.
Puis, la tristesse prends le dessus et elle répond:
"Oh, oui. Les humains ne sont pas facilement aimables."
Ils ne se font pas aimer facilement.
La jument rouge se souvient encore de l'indifférence de ses naisseurs, du regard dégoûté que le marchand de chevaux posait sur elle, de ses mauvais traitements, des mains inconnues, brutales parfois, qui la palpait. Ce n'est pas une expérience qui s'oublie facilement.
Mais ce n'est pas quelque chose dont elle aime se souvenir.
Aussi, elle tourne les talons, et commence à marcher.

wild bird

Ft Asrae

Et les étoiles, là-haut, sous leurs regards de diamant froid

"L'humour ? Je connais... Je crois."
Sandstorm sourit, amusée. Comment pourrait-on vivre sans humour ? Elle ne pourrait imaginer la vie sans rires, causés par des blagues parfois totalement nulles, par des jeux de mots des plus pourris ... L'aubère la regarde, elle aussi égayée par ce qu'elle venait de dire, puis reprit :
"Oh, oui. Les humains ne sont pas facilement aimables."

La palomino hoche la tête, compatissante. De tous ceux qu'elle avait connus, aucun n'avaient eus avec elle la moindre bonté, à son grand désarroi, elle qui donnait toujours plus d'elle-même pour ses bipèdes. Asrae repart donc, dans la direction du camp de son propriétaire, et la réformée la suit au petit trot, n'ayant pas eu le temps  de répondre.

Elle se cale à son pas rapide, et continue leur discussion, plus calmement, même amicalement, les paroles précédentes oubliées :
"On avait pas eu de bol. Mais si tu as trouvé le bon, dans ce cas, c'est avec plaisir que je te ramène vers lui."

Ses yeux marrons brillant de joie, car elles s'étaient sans doute rabibochées, la grande jument donna un coup de naseaux dans l'épaule de l'autre, et fouilla de la queue avec joie. La nuit semblait elle aussi ravie de les voir de nouveau ensemble, ses éclats luisant sur le lac qu'elles traversaient rapidement. Le paysage derrière elles était totalement identique à celui qui se trouvait devant elles, et Sandstorm eut quelques secondes peur de ne pas retrouver le chemin du retour.

made by pandora.

Sandstorm la rattrapa de quelques grandes foulées, puis lança, calmement:

"On avait pas eu de bol. Mais si tu as trouvé le bon, dans ce cas, c'est avec plaisir que je te ramène vers lui."

Elle lui donna un coup amical dans l'épaule, et Asrae lui retourna un sourire.

Elle doutait de Neloe. Qu'il soit le bon. Son père l'était, sans aucun doute. Mais à propos de Neloe, elle doutait. Beaucoup. Mais ce n'était pas à la grande jument palomino d'écouter ça.

Il n'y avait plus besoin de paroles, alors elles marchèrent longuement dans un silence paisible. Et elles se séparèrent avec des espoirs de retrouvailles dans le cœur de la jument rouge.

wild bird