Crois-tu au hasard ? ft Stardust

    Il faisait chaud ce matin-là. Et cette température-là était bougrement désagréable, non pas parce que le soleil tapait trop, mais simplement à cause du désert. Le sable s’envolait très facilement à la moindre brise, et par sa faute, Stardust avait la gorge en feu. Toute la nuit durant, il s’était posté la tête hors des boxes, pour inhaler et profiter au maximum de la fraîcheur, mais en ce moment, il était prostré au fond des écuries, le plus loin possible de la terre sèche. Mais c’était sans compter l’avis de son propriétaire, le caporal. C’est en bavardant avec quelques compagnons qu’il avait appris être la deuxième monture de cet homme, de grade plus important que les autres soldats.

Forcément, il était flatté d’avoir été choisi pour être sa monture. Mais son ancien cavalier, parti pour une raison inconnue lui manquait fortement, des liens forts s’étant établis entre les deux. Cependant, son nouveau maître était adorable, passant dès qu’il pouvait le cajoler, essayant des tentatives de rapprochement. Alors, pour ne pas le blesser, et pour le récompenser de sa gentillesse, le gris se laissait faire, appréciant tout de même ces tests. La porte s’ouvrit donc, laissant apparaître le brun, qui s’approchait, tout sourire, la selle en main. Sa monture grimaça, ne souhaitant nullement faire une sortie de ce temps. Mais il ne pouvait rechigner aux ordres, et souhaitait faire plaisir malgré tout.

Après un rapide et utile pansage, le caporal le sella puis le sortit des boxes pour se mettre en selle. Dès que ce fut fait, l’étalon fut emmené vers un cheval nommé Hurricane, un borgne semblant sympathique. Il sourit à son compagnon de fortune, ne craignant que son grade l’empêcherait d’avoir des relations désormais moins proches avec les autres. Après tout, c’était probable que quelques-uns soient jaloux de lui. Bien qu’il ne l’aurait pas été. Son cavalier ordonna d’ouvrir les portes, puis le duo partit en patrouille, sans doute. Après une quinte de toux due au tourbillonnement du sable dû au frottement des sabots des deux chevaux, il prit la parole :
« Bonjour ! Quel affreux temps pour sortir du fort, tu ne trouves pas ? »

Insensible et inintéressé par le bavardage des soldats, il se tourna vers son camarade, attendant une réponse. Le fait d’avoir quelqu’un qui appréciait de parler à côté de lui rendait toujours les sorties plus conviviales, et le temps lui semblait moins long.

Le nommé Hurricane toussa à son tour, et Stardust fut heureux de voir qu’ils étaient beaucoup à souffrir de la chaleur et du manque d’humidité du désert. Il espérait que leurs cavaliers, voyant leur état, les emmènerait dans des lieux moins secs. Comme pour confirmer ses pensées, l’alezan répondit :
"-Bonjour, effectivement mais bon, espérons qu'on va bouger vers des zones plus herbeuses."

Le sourire de son compagnon de patrouille le rassura autant que sa réponse. Il ne semblait nullement contrarié par son changement de grade, ce qui acheva de mettre de bonne humeur le pommelé, malgré le sable qui s’incrustait dans ses poumons. Le caporal donna une tape sur l’encolure de sa monture, vantant sans doute une nouvelle fois ses qualités à l’autre. Son cavalier était apparemment très fier de lui, pour des raisons que le gris ne comprenait pas. Mais si ça lui permettait de se faire cajoler, cela ne le dérangeait pas. Leur discussion était mouvementée, mais dans le sens plutôt sympathique de la chose.

L’étalon observa avec nonchalance les grains se déplaçant rapidement, sous la brise chaude. Il sentit une petite pression sur son flanc, puis se mit à trotter, grognant intérieurement. Les bipèdes étaient fous, la chaleur leur faisait perdre la tête, ce n’était plus possible ! Il roula les yeux, puis lança un regard mi- exaspéré, mi- amusé au borgne :
« Ils ne savent donc pas ce que c’est d’être un cheval ! Nous vivons chez des hommes aberrants, je crois … »

Cependant, la situation le faisait rire plus qu’autre chose. Certes, ce n’était pas agréable, pourtant les bleus qui les chevauchaient étaient tous deux sympathiques, et sans doute qu’ils seraient bien récompensés et rafraichis en rentrant. Du moins, Stardust l’espérait.

Le duo prit un peu de vitesse, trottant au rythme du sable, à une allure largement convenable par ce temps. Quelques petites poussières firent tousser son compagnon, qui répondit par la même occasion :
"C'est une façon de voir les choses. En attendant, au moins on peut se défouler en balade, ça n'arrive pas tous les jours, beaucoup plus agréable qu'une session de travail lambda, n'est-ce pas ?"

Stardust hocha la tête, tout à fait d’accord avec l’alezan. Ses pauvres congénères devaient sans doute suer sang et eau dans la carrière, à effectuer toutes sortes d’exercice. Leurs cavaliers respectifs semblaient avoir le même état d’âme sympathique pour ne pas envoyer leurs fidèles montures en plein cagnard, sans la moindre ombre. Le cuivré eut un léger sourire, et le pommelé s’apprêta à répondre, quand une légère pression sur son flanc lui apprit que l’heure de la galopade était arrivée.

Il prit l’allure supérieure, et galopa de son allure fort élastique. Le caporal était totalement à l’aise sur son dos, et épousait sans problème apparent le rythme soutenu de son cheval. Le gris ne put s’empêcher d’accélérer un peu, bien heureux de leur promenade. Il lâcha un hennissement ravi, et prit plus de vitesse, puis fut rapidement retenu par son propriétaire, qui exerça un petit étirement sur ses rênes. À contrecœur, il freina, de sorte à se retrouver près du borgne, qui se trouvait derrière.
« Tu as raison, c’est bien mieux de galoper à en perdre haleine dans le désert, plutôt que dans le paddock à faire des cercles ! J’adore ces moments-là ! »

L’œil aux aguets, l’étalon s’aperçut que le sable se transformait peu à peu en terre granuleuse. Espérant que les bleus les aient emmenés dans un lieu plus vert, il se redressa, et arqua son encolure, attentif.

Stardust était ravi de sa petite galopade, et le caporal aussi, à en croire les tapes affectueuses sur son encolure trempée. L'alezan était dans le même état piteux, essoufflé et ruisselant de sueur. Mais c'était ces moments-là qu'il appréciait dans sa vie parfois beaucoup trop monotone. Seulement, repasser au pas lui fit aussi un grand bien. Hurricane l'interrogea alors :
"- Tu as déjà été sur les terres des indiens ?"

     Et il fit emporté par les souvenirs d'une après-midi avec son ancien cavalier, Martin. Alors qu'ils se baladaient à la frontière, le gris avait entendu les hennissements douloureux à entendre d'une jument, Zénith. Et c'était en se rendant sur les lieux de l'horrible scène qui s'était passé, qu'ils avaient découvert le corps d'une indienne, morte écrasée par sa monture. Ils s'étaient donc rendu au campement, avec la triste silhouette de la défunte sur le dos, et la pie lui avait expliqué qu'elle avait voulu la sauver d'un puma, ou d'un prédateur tout aussi dangereux. Cette journée était assez floue dans son esprit, mais ce dont il se souvenait le plus, c'était la colère des montures des Lakotas, qui avaient chassé la femelle sans prendre le temps des explications.

   D'une voix un peu tremblotante, tant il était triste pour Zénith, il prit la parole, résumant du mieux qu'il pouvait :
"J'ai ramené une jument dans son campement qui avait tué sa propriétaire par accident. Et bah, désormais elle est solitaire, d'après mes lointains souvenirs. À moins qu'elle n'ait intégré une harde, ou été capturée …", puis, après un silence, il l'interrogea à son tour, "et toi ?"