if I flirt with you, what will you do?

   Le jeune gris caracolait fièrement. Il avait viré son cavalier de son dos, car l'envie de vagabonder avait été trop forte. Les hurlements de rage de l'homme qui l'avait enfourché s'estompaient au loin, ses vulgarités envolées par le vent. La queue en panache, les yeux brillants, le regard fier, il fallait bien se l'avouer, il avait de l'allure. S'il lui manquait un peu de muscle, aucune partie de son corps de trois ans n'était grasse.

   Au petit galop, il parcourut les plaines, l'herbe lui caressant agréablement les membres. Puis, les petites collines laissèrent place à des vergers. Quelques arbres remplaçaient la monotonie des prés, et des fruits éparpillés jonchaient sur le sol herbeux. Stardust comprit avec joie qu'il s'agissait de pommiers, ce qui était finalement logique puisqu'il y en avait énormément dans ces terres. Il distingua quelques ombres grandissantes dans la fin de l'après-midi. Ses iris bleutées mirent quelques secondes avant de comprendre qu'il s'agissait d'humains. Ne souhaitant pas se faire remarquer, il repartit un peu plus loin.

     Après quelques minutes, il était seul. Enfin, presque. Une jument se trouvait non loin, à une ou deux dizaines de mètres. Son jeune esprit pour le moment trop sensible au charme des femelles lui ordonna de parader un peu pour montrer ses atouts. Il roula des muscles, l'étalon. Il secoua sa crinière longue, dans un puissant coup d'encolure. Il lança un coup d'œil coquin à la jument, espiègle.

   La jument semblait réceptive. Elle ne partit pas au loin comme beaucoup d'autres auraient peut-être fait, de peur d'avoir affaire à un étalon violent. Ou même de se faire capturer. Car il avait bien tout son harnachement sur lui, il ne s'était malheureusement pas encore envolé en même temps que son cavalier. Loin de là, il pesait encore plus, son dos hurlait de rage. La selle, une selle n'avait pas sa place sur un cheval qui était ivre de liberté, le maigre temps d'une ou deux heures. Enfin. Dans tous les cas, ce n'était pas ces bouts de cuir qui le rendraient malheureux, pas alors qu'une femelle solitaire se trouvait près de lui, pas alors qu'une femelle solitaire le regarde parader.

    Stardust s'avança, renâclant légèrement. Il ne savait pas vraiment comment l'aborder, ce n'était pas comme si le mâle passait du temps avec des juments sans arrêt. Au contraire, les minutes passées avec elles semblaient être comptées, alors cela devait être pour ça qu'il mourrait d'envie de l'approcher, de sentir leurs corps côte à côte, sentir ses muscles frémissants. Il continua de marcher, enfin de danser, de marcher d'un pas dansé ? Il piaffait, et sa crinière argentée rebondissait à chaque foulée. Il était là, juste en face, il pouvait voir ses pêles iris, presque identiques aux siennes, légèrement plus claires. Sa gorge était nouée, il ne savait que dire, alors il se contenta de la fixer, l'interrogeant du regard.
      Il était vraiment, véritablement muet. Mais il voulait quand même lui parler, si elle le souhaitait.

   Une sombre lueur parcourut les iris de la jument, et Stardust ne put retenir un frisson d'angoisse. Elle semblait si mal, jamais il
n'avait vu de chevaux avec cette douleur si voyante. Il eut l'impression qu'au lieu de se plonger dans son regard, il s'était noyé dans son cœur terrifiant. Et cela lui fit froid dans le dos, alors qu'il faisait chaud, bon.

    Puis elle se rapprocha, elle aussi, jusqu'à ce que son flanc blessé soit en appui sur celui du gris, qui apprécia grandement cette chaleur. Et la jument se cacha dans les longs crins du gris. Peut-être que ça lui manquait de ne plus avoir de crinière ? L'étalon s'en voulut de cette mauvaise blague secrète aussitôt qu'il l'eut pensé, mais il retint avec difficulté un petit rire. Elle n'avait pas dû avoir la vie facile, et pourtant, malgré le sang-froid qu'elle affichait, il sentit une fragilité. Qu'elle venait de déposer sur ses grises épaules. Une confiance régnait alors qu'il ne s'était rien passé, mais des fois, le feeling faisait tout. Et il se passait quelque chose que le pommelé ne pouvait pas ignorer. Ses hormones non plus d'ailleurs.

    Doucement, se demandant s'il fallait briser le silence d'or, il se racla lui aussi la gorge puis engagea la conversation d'une voix rauque, un peu hésitante :
"Tu es sûre … ?"

    Allait-elle comprendre de quoi il parlerait ? D'aller plus loin ?

   Stardust attendit impatiemment. Il se retenait de s'approcher encore plus d'elle, de la douceur qui s'émanait d'elle. Il attendait simplement son consentement. Elle souffla son accord, et … Tout se passa comme dans un rêve. Cette sensation que tout vous échappe, et que le temps vous glisse entre les mains. Il ne prit pas conscience de ce qu'il faisait, mais qu'importait. C'était juste plaisant. Magique ne serait même pas exagéré pour ce jeune étalon qui découvrait les juments.  

    Et tout fut fini. Ils se séparèrent. Et tout recommença, son cerveau, son cœur, son corps explosa alors qu'elle se rapprochait pour finalement se coller à lui. Leurs formes s'épousèrent une fois de plus, dans un contact plus romantique, mais était-ce vraiment le mot adapté ? Ils n'étaient simplement plus dans la fièvre du moment, dans la découverte peut-être de cette sensation si prenante. Si particulière. Le pommelé n'osait pas vraiment la regarder, pas après ça. Même si elle avait été si généreuse, de lui offrir ça . Il sentait son souffle près de lui, ce qui le mettait plus mal à l'aise encore. Il se demandait ce qu'il en adviendrait pour le futur. Et puis, ça n'avait pas d'importance.
 Qu'il profite. Qu'ils profitent. Il se tut, immobile.