Ouvre les yeux. | PV. Lilith

Ce matin-là, le soleil illuminait le camp des nomades. La jument grise pommelée s'était éveillée avec le lever du soleil, profitant de ses doux rayons, si rare en cette période de l'année. Son bipède était venu la voir un petit moment, prenant le temps de la brosser et de lui tenir un peu compagnie. La grise n'aimait pas particulièrement la présence des autres chevaux du camp, encore moins celle des autres humains. La plupart n'essayait même plus de s'approcher d'elle, trop dangereuse pour tenter le coup.

L'humain de la femelle ne tarda pas à enfin la libérer. Elle était l'une des rares jument à pouvoir sortir sans aucun surveillance ni barrière, il savait qu'elle reviendrait pour lui, alors il n'hésitait pas à lui redonner sa liberté le temps d'une journée. Ce jour-là, ses pattes la menèrent face à une petite île bien étrange. Elle semblait presque coupée de tout, seul un banc de sable humide la raccrocher au reste du monde. Cela intriguait la jument. Sa curiosité prit le dessus et la grise avança en douceur s'approchant de l'île étrange. Un endroit la fit marcher dans l'eau salée qui lui rafraîchit les pattes alors qu'une odeur arriva à son museau. Son pelage légèrement pommelé et humide brillait sous la lumière vive du soleil.

La jument s'arrêta net, les sabots dans l'eau, cherchant la provenance et cette odeur équine. Ses yeux bleus irisés tombèrent sur le pelage tacheté d'un étalon, son odeur ne disait rien à la femelle qui l'observait, silencieuse. D'un signe de tête, elle le salua, méfiante avant de terminer sa traversée sans le quitter des yeux.  

La jument grise avait finit de traverser le parterre de sable et d'eau, s'approchant en douceur des grands morceaux de pierres fissurés qui jonchaient le sol du lieu. Son fin museau s'approcha en douceur, lui permettant de sentir les effluves qui s'en échappaient, une odeur âcre et d'eau de mer. Lilith releva la tête, observant, silencieuse. Le soleil jouait de ses innombrables lumières sur ces parois recouvertes d'une mousse à la couleur verte vive. En faisant un tour sur elle-même pour voir toutes ces choses nouvelles, la grise tomba de nouveau sur le pelage tacheté de l'étalon, il mangeait un peu d'herbe paisiblement. Ses yeux à la couleur noisette vinrent pourtant se planter sur la grise avant que sa voix ne résonne.

« C'est un bel endroit, non ? »

Ce mâle ne se pavanait pas, n'en faisait pas des tonnes et avait l'air tout à fait neutre et calme. Voilà qui changeait des étalons que la femelle avait l'habitude de côtoyer. Un sourire vint même se dessiner sur son visage, une chose tellement rare pour cette jument qui avait été arraché à sa famille si jeune pour être emmenée par un groupe de nomade. Le seul être capable de la faire sourire sans difficulté restait son cher humain. En cet instant, il lui manquait. Elle aurait aimé qu'il soit capable de voir, capable de voir ce lieu magnifique.

« Oui, c'est agréable ici » 

La grise aimait cet endroit. Il était paisible, peu de chevaux devaient connaître son existence et il était difficile d'accès, le genre de lieu qui permettait de s'évader. Elle était également curieuse. C'était rare, mais cela pouvait lui arriver. La jument gris pommelé se demandait qui était ce cheval à la fourrure particulière. D'où venait-il ? Comment s'appelait-il ? Était-il sauvage ? Ou bien vivait-il avec des bipèdes ? Lilith s'approcha de quelques pas en douceur vers le mâle et s'arrêta à une longueur de queue avant de s'adresser à lui d'une voix calme et posée.

« Je m'appelle Lilith, je peux savoir ton nom ? » 

La jument grise observait le mâle de plus près d'un œil curieux. Ses iris bleues remarquèrent ainsi la moindre tâche qui pouvait recouvrir son corps, sa musculature, sa carrure, puis terminèrent leurs courses sur ses yeux noisettes. Un cheval entretenu, il ne devait certainement pas vivre dans la nature, encore moi dans une harde. Appartenait-il à des indiens ? La probabilité qu'il appartienne aux soldats qui vivaient plus loin était peu élevée, ils laissaient rarement leurs chevaux gambader dans la nature. La réponse à sa question finit enfin par sortir de la bouche de l'étalon.

« Moi c'est Altaï, ravi de faire ta connaissance Lilith. Ta robe est beaucoup trop belle pour être une solitaire.. tu viens d'où ? » 

Il avait le sens de l'observation. La grise, bizarrement, aurait aimé être un peu plus abîmée car cela aurait signifié qu'elle vivait en toute liberté. Mais malheureusement, ce n'était plus le cas depuis longtemps. Cette vie lui manquait, parfois. Mais grâce à son humain, la jument pouvait retrouver cette sensation de temps à autres. Elle était heureuse d'avoir trouvé un bipède qui tenait à elle mais qui pensait également à son bien être et pas uniquement à l'utilité qu'elle aurait pour lui. Cela lui arrivait cependant de pensé à comment aurait été sa vie si jamais elle n'avait été capturé. Comment serait son caractère ? A quoi ressemblerait sa robe ? Combien de temps pourrait-elle courir sans jamais sans lasser ? Elle répondit donc à l'étalon d'ne voix toujours calme. Il n'était pas agressif ou désobligeant, autant ne pas s'en prendre à lui gratuitement.

« Je vis avec un groupe de bipèdes, ils bougent assez souvent alors je ne viens pas d'un endroit en particulier. », la grise afficha un sourire un peu taquin, rebondissant sur ce qu'il avait dis concernant son pelage,  « Quant à toi tu es en bien trop bon état pour être un cheval sauvage, avec quels humains vis-tu, Altaï ? »

La femelle gris pommelé se déplaça en douceur, tournant autour de l'étalon, l'observant. Elle n'était pas ce genre de femelle à s’offusquer d'un rien ou à être gêner alors elle ne se dérangeait pas pour faire ce qui lui plaisait. Entre autre, la grise ne faisait rien de mal. Elle regardait avec attention, découvrait en douceur comment étaient traités les chevaux d'ailleurs, retenait l'odeur particulière qu'ils portaient.

La grise continuait son inspection sans faire attention à la gêne qu'elle pouvait provoquer. Sa curiosité avait pris le dessus. Le pelage de cet étalon était si particulier, si différent, et les odeurs qui étaient encrées dans ses crins étaient tout aussi intéressante. La grise s'approcha en douceur de la crinière du mâle, s'assurant d'un coup d’œil qu'il ne bougeait pas. Elle était curieuse mais pas inconsciente, un seul geste brusque et il prenait un coup de sabot bien placé. Ses longs crins contenaient une odeur de fumée et une odeur douce, comme celle des enfants qui animaient le camp des nomades. Les enfants indiens devaient aimé s'occuper d'un étalon avec une robe si spéciale.

« Tu as l'air de les aimer et ils ont l'air de te faire confiance puisque tu es là sans eux et que tu n'en profites pas pour partir loin. » 

La grise croisa le regard noisette de l'étalon rapidement avant de retourner à son inspection. Non, elle ne l'aimait pas plus que ça. Le seul quel aimait était son bipède à elle. Lui seul lui faisait confiance et la libérait en sachant qu'elle reviendrait toujours pour lui. Quelques uns des humains du camp n'étaient pas forcément très désagréable et les enfants étaient amusants lorsqu'ils s'en prenaient aux plus grands. La jument pommelé avait bien remarqué cette humaine qui semblait s'approcher grandement de son bipède. Allait-il enfin trouver une compagne ? Il était temps qu'il fonde une famille. Peut être même que la grise laisserait son enfant monté sur son dos, s'il le lui demandait.

« Je vis parmi les indiens, les enfants bipèdes aiment bien s'occuper de ma robe et de mes crins.. je ne ressemble pas vraiment aux autres chevaux à cause de mes taches. » 

Un léger sourire s'affichait sur le visage de la grise alors qu'elle suivait le mâle des yeux, se dirigeant vers un point d'eau douce. Elle ne s'était pas trompée, les petits humains aimaient son pelage tacheté, et elle le comprenait. Il fallait avouer que son pelage était plutôt attirant pour les yeux. L'étalon finit par tourner son regard vers elle, l'invitant à boire à son tour. Après la route qu'elle venait de faire, une ou deux gorgées d'eau ne seraient pas de refus. Elle avança au trot jusqu'au petit trou qui contenait l'eau, jeta un coup d’œil observateur vers le mâle, avant de baisser son encolure afin d'atteindre l'eau. Elle était fraîche et d'une pureté rare, rien n'était venu souiller cette eau. Ceci fait, la grise releva la tête, replaçant sa longue crinière gris cendré. Ses iris bleues irisées s'attardèrent une fois de plus sur le pelage d'Altaï avant qu'elle ne s'adresse à lui, d'une voix presque inaudible.

« Je comprends ces petits humains »

Elle lui lança un sourire avant de s'éloigner au pas, continuant sa petite inspection des lieux.