Le vent mugissait, sifflant entre les poutres de la stabule, s’infiltrant dans le fort. La pluie s’abattait contre le plafond, comme souhaitant qu’il s’effondre contre les pauvres chevaux, réfugiés au fond, contre les murs, à l’abri. Quelques téméraires s’aventuraient un peu, avançant les naseaux, pour revenir, une seconde plus tard, trempés. Un bien triste spectacle que celui de cette tempête s’acharnant sur le Cimarron, obligeant toute faune et tout humain à aller se cacher, en attendant que la pluie cesse. Des éclairs zébraient le ciel ébène, et des coups de tonnerre retentissaient de temps à autre, pour prévenir que ce coup de colère céleste n’était pas fini.
L’atmosphère lourde et moite, à la suite de ces derniers jours de chaleur intense, qui avait brûlé le cœur de Stardust était finie. Désormais, c’était le froid de cette interminable averse qui l’avait figé. Pour la première fois depuis qu’il avait revu cette jument, il avait réussi à prendre du recul, à penser à autre chose. Et voilà que dès qu’il passait un moment seul, la culpabilité ressurgissait. Il avait l’impression de la connaître par cœur, de sentir quand elle réapparaîtrait pour la prochaine fois. Ce pincement dans son poitrail, des images de celle à la silhouette cicatrisée, et il était sûr que c’était parti pour un instant émotion. Oh qu’il s’en voulait, de l’avoir laissée seule ! A cause de lui, leur petit, puisqu’il était le père, était mort. Il aurait pu grandir à ses côtés, et même si ces trois printemps sans lui ne l’avaient nullement dérangé, même s’il n’aurait pas aimé être père, en plein milieu de son adolescence, et bien, il l’aurait pris. Ces moments heureux étaient oubliés.
Est-ce qu’il aurait eu peur de l’orage ? Aurait-il rejoint sa mère, pour pleurnicher en lui tournant autour, à la recherche d’un quelconque réconfort ? Ou aurait-il affronté les éléments, fier comme un paon à l’idée de se dresser contre un ennemi invisible ? Un pauvre sourire se dessina sur le visage du gris, qui se plaisait à imaginer une petite silhouette sur un renflouement de terrain, le poitrail bombé, trempé par la pluie, le regard orgueilleux. Même un peureux fonçant dans sa mère lui fit plaisir. Il aurait accepté son poulain tel qu’il l’était, avec ses défauts comme avec ses qualités. Pourtant, il aurait aimé qu’il soit comme Tialmah, un débrouillard. Peut-être aurait-il survécu, même seul ? L’étalon écarquilla les yeux, choqué par lui-même. Ce n’était ni de la faute de celle qui lui avait abîmé le poitrail, ni même de son fils qu’il était aux cieux ! Il ne savait pas les exactes conséquences de sa mort, et il ne voulait pas même les savoir. Pas pour ressasser des images toutes plus atroces les unes que les autres, inimaginables dans ses pires cauchemars. Qui surgissaient bien plus souvent que ses rêves, quand il dormait. Quand il arrivait à dormir, et non à somnoler, comme il avait pris l’habitude de le faire.
Oh, il fallait qu’il se change la tête. Ses iris océanes, tirant sur le gris terne des nuages, parcoururent les environs du regard. Il ne vit personne qui ne l’intéressait vraiment. Que des commères, qui lui sautèrent dessus, pour comprendre, oh mon pauvre chéri, ce qui se passait donc dans sa tête pour qu’il soit si mal aimable. Il y avait bien Hurricane, mais l’alezan était trop occupé à se goinfrer, le foin diminuant à vue d’œil quand ses dents, véritables tronçonneuses, attrapaient à manger. Il secoua la tête, dégoûté à l’idée qu’il était incapable d’avaler une bouchée, et que d’autres prenaient sa part. Au moins, il appréciait le borgne. Il s’éloigna, sans se soucier des gouttes qui fusèrent sur lui, éclaboussant sa robe pommelée. De l’eau, semblable à de petits diamants, perlait sa crinière en brosse.
Le beau bai cerise de Tialmah l’interpella. Le regard absent, comme hypnotisé, il le rejoignit, avançant sans que son cerveau ne commande ses membres. Il devait s’assurer, comme si c’était pour excuser son fils, qu’il allait bien, et que l’orage ne lui faisait pas peur. Il ne devait avoir qu’un an, et cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu une tempête pareille. Il essaya de sourire, et planta ses yeux dans les iris du jeune : « Comment ça va ? L’orage est rude, mais on n’est pas en danger. »
Ses paroles sonnaient creuses, si creuses. Mais le rassurer était une manière pour lui de ne pas perdre pied. De ne pas s’enfoncer dans la sombreur du désespoir, de se sentir utile, pour quelqu’un, au moins. Quelqu’un qui en avait besoin.
Tialmah
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Sujet: Re: Comme le souffle d'une tristesse glacée, ft Titi ! Jeu 15 Aoû - 14:26
Comme le souffle d'une tristesse glacée
Ft. Stardust
"Ceux qui se découragent ou meurent ont tort, le monde refleurit toujours ; le tout est de survivre aux orages, aux maladies ou aux hivers."
Henri-Frédéric Amiel, "Journal intime - 29 février 1872"
Tialmah fixait le déchaînement des éléments avec un effroi fasciné. Il aurait aimé être auprès d'Ebony, pour pouvoir la rassurer en même temps de se rassurer lui même, mais ils n'étaient même plus ensemble. Séparés, et c'était comme si on l'avait coupé en deux, puis qu'on lui avait dit : "Oh, ça te fait mal ? Mais ce n'est que la moitié de toi même enfin ! Tu vas facilement t'en remettre." Stupides, stupides, stupides...
Il se sentait triste et fatigué. Même la chaleur de la colère l'avait abandonné. Et au-dehors, la pluie glacée continuait de s'abattre, tandis que le vent la poussait insidieusement contre la stalle. Il envoyait des bourrasques chargées de l'eau glaciale contre les dos déjà trempés des chevaux qui essayaient tant bien que mal de rester à l'abri. Tialmah était déjà complètement mouillé, et glacé. Il sentait de violents frissons le parcourir de temps en temps. Mais il ne voulait même pas reculer et se mettre un peu plus à l'abri.
D'abord, parce que cela ne servirait presque à rien. Ensuite, il était bien assez nerveux sans en plus aller se cacher et même plus pouvoir observer ce phénomène. Et, qui sait, peut-être que le froid et la lumière de l'orage allait le forger pour lui permettre de devenir plus fort ? Certes, il rêvait.
Brusquement, une voix le fit soudain sursauter. Fasciné comme il était par le spectacle, il n'avait même pas fait attention à l'arrivée de Stardust. L'étalon gris, qui, d'ailleurs, avait la robe la plus accordée du Fort avec ce temps.
- Comment ça va ? L’orage est rude, mais on n’est pas en danger.
Il prit un instant pour répondre, les yeux vides. Cette situation lui rappelait un peu l'impression que lui donnait la vie du gris en ce moment. Il se serait sentit un peu égoïste d'évoquer son mal-être actuel avec ce dernier, alors il se contenta de dire, éludant sa question :
- Ce n'est qu'un orage. Il garda un instant son regard plongé dans les yeux bleus du gris, pour appuyer sa métaphore, et continua, essayant d'être réconfortant sans pour autant le presser de questions : Comme tous les orages, il finira par passer. Il y eut une petite pause, puis Tialmah lui demanda : Et vous, ça va ?
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Stardust Prince des forficules
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Sujet: Re: Comme le souffle d'une tristesse glacée, ft Titi ! Sam 17 Aoû - 11:26
Fidèle à lui-même, le poulain ne voulait pas perdre le contrôle de lui. Le gris percevait un peu de stress, peut-être, de crispation, mais Tialmah n'était pas constamment en train de fixer les éléments, pour leur ordonner en silence de se calmer. D'autres, des adultes parfois, conservaient leurs oreilles plaquées contre leur nuque, tels des biches effarouchées, inquiets à l'idée qu'une trop forte bourrasque renverse leur toit, et leur vie aussi. Mais lui, qu'il meure ! Qu'il s'éteigne une bonne fois pour toute, que son corps se mélange à l'herbe, et qu'il serve à bouffer aux charognards. Utile à quelqu'un. Il n'aurait apporté que le malheur, les larmes. Cette jument, la mère de son fils, avait pleuré des années son pauvre gosse, alors qu'insouciant, il avait ri, ri autant qu'elle hurlait son désespoir. Il avait discuté joyeusement, pendant qu'elle se terrait dans une dépression féroce. Et ces remords revenaient inlassablement, le dévorant, lui et son pauvre cœur déchiré en mille morceaux. "Ce n'est qu'un orage. Comme tous les orages, il finira par passer.
Stardust lâcha un vieux sourire. Un pauvre rictus, en récompense à l'effort du jeunot pour le rendre de meilleure humeur. Mais malgré tout, il n'y arrivait à rien, puisqu'il était terré au fond du trou, et qu'on ne pourrait le ressortir de là que par la force du temps. Force indéniable. La tristesse s'apaiserait, au fil des jours, des mois, des années. Mais toujours il devrait supporter ce poids que la mort de son défunt enfant. Et vous, ça va ?
Une fois de plus, la marque de politesse noyée dans le respect, le vouvoiement, l'écrasait sous une sorte de vieillesse qui ne le touchait pas encore. Ils avaient pourtant appris à se connaître, ils étaient comme deux amis, on pouvait le dire, une relation père-fils qui paradoxalement, au lieu de le rendre heureux, l'enfonçait. Il n'aurait pas dû être le géniteur d'un poulain, mais d'un autre, aux cieux. Et cette douceur dans la voix du yearling l'attrista plus encore. C'était fou que dès qu'on est malheureux, les plus petites attentions deviennent des montagnes, qui, à la place de redonner le sourire, sont la cause d'une dépression plus intense. Il n'aurait pas dû être là à lui demander comment il allait, alors qu'il avait une mère partie, un père incapable de se bouger, une sœur à l'autre bout de la stabule. Les rôles s'inversaient, et au fond, s'il savait qu'il ne voulait pas lui infliger ses maux de cœur, il lui dirait. Parce que le bai avait toujours été franc avec lui, et il n'y avait pas de raison pour que cette honnêteté se termine juste parce qu'il n'avait pas la force d'avouer ses torts.
"Je … Non …", soupira-t-il avec toute la peine du monde à cracher son horrible acte. Il ferma les yeux, ne supportant pas le futur regard de Tialmah, qui serait consterné ou bien furieux, lui qui connaissait le même cas que l'abandon, à quelques différences près. "J'ai appris que … Oh … Il y a une jument qui m'a détesté pendant trois ans qui vient de m'apprendre que j'ai un fils mais qu'il est mort." Là. C'était sorti. Tout aussi douloureux, même dit de but en blanc, sans prendre le temps d'y mettre les formes, parce qu'il ne le souhaitait pas, mais que les mots parlaient d'eux-mêmes. Et sa voix brisée aussi.
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Sujet: Re: Comme le souffle d'une tristesse glacée, ft Titi !
Comme le souffle d'une tristesse glacée, ft Titi !
Suite au recensement, les effectifs ont été mis à jour et bénéficient à présent d'une toute nouvelle mise en forme !
D'autres nouveautés à venir sur le forum ! On vous laisse le suspens pour le moment ;)
En ce moment, dans le Cimarron...
D'inquiétantes disparitions sont à signaler, touchant chaque groupe, mais plus particulièrement les indiens et les solitaires, qui sont plus vulnérables.
Les troupeaux se sont organisés pour se protéger de cette menace invisible ; celui de Forêt Noire reste groupé tandis que les gardiens du troupeau d'Atlas multiplient les tours du territoire et restent aux aguets.
Les indiens ont l'interdiction de s'éloigner du camp seul, les soldats ont renforcé les patrouilles et les nomades surveillent activement les enclos des chevaux, tout en constatant le pillage de leurs cultures et de leurs pièges, certainement dus à des cavaliers solitaires profitant des tensions dues aux disparitions.
Les solitaires, eux, doivent rester sans cesse sur leurs gardes. Les tensions sont vives entre les différents groupes, qui s'accusent mutuellement des disparitions.
Certains auraient aperçu d'étranges cavaliers montés sur des chevaux richement harnachés, qui semblent éviter le contact...
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