[MINI-EVENT] Le Centre Équestre du Cimarron

La petite humaine parvint enfin auprès de sa monture du jour, qui attendait patiemment près de la clôture, dégustant tranquillement quelques brins d'herbes qui se dressaient ici et là. Elle entoura vivement sa large encolure noire de la longe, craignant probablement que le kerry bog ne s'enfuie de nouveau. Mais Anoki demeura immobile, et la laissa tranquillement entourer sa tête d'un licol rouge écarlate. Il jeta un regard en arrière, vers la silhouette rousse de son meilleur ami, espérant entrevoir un cavalier à ses côtés. Mais Hurricane ne semblait pas être monté ce jour-là. Les moniteurs savaient pourtant que le Noir était insupportable en l'absence de son inséparable compère... Déçu, Anoki se laissa entraîner hors du pré, vers les écuries, en se jurant de bien faire comprendre aux humains qu'il n’appréciait pas leurs manigances.

La petite fille conduisit Anoki jusqu'à son box, et attrapa une étrille dans une boîte de pansage bleue claire près de la porte — probablement la sienne, qu'elle avait laissé là avant d'aller le chercher au pré. Son regard s'attarda sur sa robe, et un soupir échappa à ses lèvres. Après un bref coup d'oeil à ses flancs couverts de boue séchée, Anoki lui offrit sa plus belle tête de poulain innocent, tout en la laissant s'avancer pour frotter énergiquement la croûte brunâtre.

La gamine venait à peine de se saisir d'un bouchon lorsque des sabots pressés claquèrent sur le sol dur de l'écurie, accompagnés d'un parfum familier. Anoki redressa vivement la tête avec un hennissement amical. Un gosse, dont la figure était aussi rouge que le licol du kerry bog, s'époumonait au bout de la longe de Hurricane. Il fit entrer l'alezan dans le box voisin, entre Anoki et un grand gris du nom de Danny. Ce dernier lançait quelques paroles qui, si elles tombèrent dans ses oreilles, ne parvinrent jamais jusqu'au cerveau du noir, trop occupé à gesticuler inutilement pour exprimer son soulagement, au plus grand damne de sa cavalière. Il se calma pourtant bientôt, et laissa la petite humaine dépoussiérer grossièrement son poil de sa brosse, et s'affairer autour de divers autres objets.
Après un interminable — mais agréable — pansage, et alors que les premiers commençaient déjà à quitter leur box pour la carrière, elle s'éloigna à grands pas pour revenir avec tout son équipement. Vivement, elle jeta sur son dos un tapis écarlate aux bordures blanches et une selle. Elle le sangla rapidement, ne lui laissant pas même le temps de réagir, et lui arrachant un ronflement mécontent. Il se tint cependant tranquille lorsqu'elle défit son licol pour le remplacer par un filet, glissant dans sa bouche une froide barre métallique. Elle lui flatta l'encolure, l'air autant fière que soulagée, et se saisit des rênes pour le guider jusqu'à la carrière où se tenaient déjà plusieurs de ses compagnons d'écurie.

Le mioche enferma Ühesilmne dans son box habituel et s'évapora aussitôt dans l'allée, non sans brailler à un autre truc à deux pattes coloré comme un arc-en-ciel quelques mots qui semblaient exprimer sa volonté de ne pas finir par terre malgré le fait qu'on lui ai flanqué Ouésimé. Et aussi le fait que ce dernier était particulièrement con. Il revint peu après, trébuchant à moitié sur des rênes et tenant fermement un cure-pied dans sa bouche comme s'il voulait le bouffer, les bras chargés de brosses posées en équilibre instable sur une selle. Le genre de scène qui donne tout de suite envie de le pousser ou de lui mordre le cul pour qu'il se casse la gueule. Il déchargea son bordel à l'entrée du box et se lança dans un pansage intensif, jetant fréquemment des regards méfiants vers la tête du Persano, comme pour s'assurer qu'il n'était pas en train de chercher à le mordre. Il était con au point de croire que les chevaux étaient carnivores ou quoi ? De toute façon, Ühesilmne n'en avait rien à foutre de l'agresser. Ce jour-là, du moins. Il préférait se tenir tranquille et grogner de satisfaction tel un phoque au soleil au passage des diverses brosses sur sa robe.

Un hennissement surexcité vint le déranger dans son activité — à savoir, somnoler en laissant échapper des bruitages de la plus haute distinction. Il jeta un regard noir vers un mâle de la même couleur — la métaphore en moins — qui s'excitait tout seul comme un débile. Il reconnu Anoki, une sorte de crétin probablement homo qui passait son temps avec un alezan obèse. Pire que des juments en chaleur quand ils étaient séparés ces deux-là. Enfin, Hurricane semblait trouver dans la bouffe une compensation à l'absence du noir dont les taches lui donnaient l'air d'être passé sous un pigeon atteint de diarrhée.

Le poids d'une selle sur son dos rappela Ühesilme a l'ordre. Il tourna la tête vers son cavalier, qui serra brusquement la sangle contre son ventre. Il frappa son sabot au sol, mécontent de ce traitement, et jeta un regard vers la selle. Son cœur manqua un battement. J'vais me réveiller, j'vais me réveiller... Putain, c'est pas possible, j'vais me réveiller... Mais il eut beau ciller et fermer les yeux aussi fort que possible, l'horreur était toujours présente sous la sobre selle noire. L'horreur à l'état pur. Sous la forme d'un tapis arc-en-ciel surmonté d'un amortisseur rose vif.

Cette fois, sa tête heurta violemment celle du gamin, et ses dents claquèrent à quelques centimètres de son épaule. Il l'avait bien cherché, ce morveux ! Comment osait-il ?! Putain de gosses, toujours à faire les cons et à foutre la honte à tout le monde. Il voulait tuer des chevaux ou quoi ? Comment ne pas mourir d'une crise cardiaque instantanée à la vue de... Cette chose ! Mais le stupide mini-humain se mit à rigoler comme une andouille de première classe, et, comble de la chose, se permit de "corriger" l'acte de justice d'Ühesilmne d'une claque dans la tronche. Il saisit vivement sa tête et enfonça dans sa bouche un mors lorsqu'il tenta de se libérer et de mordre. Mais quel enfoiré... Plus question de se montrer sympa à présent. Dès que la porte du box fut ouverte, le persano se jeta dehors en bousculant son cavalier, et renâcla en piaffant jusqu'à la carrière.

Pourtant, dès qu'il approcha du rectangle ensablé, il cessa son manège en apercevant les autres. Non qu'il eut peur de paraître ridicule — de toute façon, toute crédibilité l'avait quitté à l'instant où il avait eut ce fichu tapis sur le dos —, mais simplement parce qu'une vision l'avait distrait de ses pensées vengeresses. Celle — bien évidemment — de Blackhole. Le gros noir était déguisé en princesse, jusqu'aux strass brillants en plastique copiant grossièrement des petits diamants incrustés dans son filet, et lorgnait avec insistance une jument brunâtre presque rose aux crins gris-bleu pâles en laquelle Ühesilmne-Ouésimé reconnu Khyda, une nouvelle recrue qui se prenait pour une diva.

Anoki franchit l'entrée de la carrière avec une avance qu'il n'attendait pas, comme l'attestait le peu de montures déjà présentes sur les lieux. Étonnant, au vu du temps passé par sa petite cavalière pour lui retirer la croûte de boue qui le recouvrait et le rendre approximativement présentable. Evidemment, les réguliers des débutants étaient déjà sur place. Ils se montraient toujours tellement conciliants avec leur cavalier qu'ils ne prenaient aucun retard au pansage ou au harnachement, au contraire du reste de la population des écuries, qui passait son temps à tester les humains et à leur rendre la vie impossible.
Anoki s'ébroua brusquement, manquant d'arracher les rênes des mains de la fillette qui ne s'y attendait pas. Elle l'entraîna non loin des autres, qui attendaient placidement le début du cours avec un air somnolent, tandis que le moniteur passait de l'un à l'autre pour aider les enfants. Il parvint finalement jusqu'à Anoki, et échangea quelques mots avec sa petite cavalière tout en vérifiant son harnachement. Il ressangla rapidement, et fit faire quelques pas au Noir avant de s'assurer qu'il n'avait pas gonflé le ventre, comme à son habitude. Il aida bientôt la fillette à se mettre en selle, et s'éloigna après avoir flatté l'encolure d'Anoki.