« On dit que la légende de l'Ouest fut écrite sur la selle d'un cheval. Mais aucun cheval ne l'avait contée avec son cœur... Jusqu'à ce jour... »
 
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 Le brasier des roses

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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeJeu 30 Sep - 14:40



Chapitre 16
Episode 2


La chambre résonnait de bips angoissants. En arrangeant du bout du doigt quelques mèches sur le front d'Atlas, Asrae songea qu'il paraissait bien peu à sa place dans ce lit d'hôpital. Sa peau mate et ses cheveux de jais contrastaient un peu trop avec la blancheur qui régnait ici, sur les murs, les draps, et même les bandages qui le couvraient ici et là. On dit que les gens ont l'air plus vulnérables lorsqu'ils dorment, mais avec lui, Asrae avait toujours éprouvé le contraire. Il était plus paisible, plus confiant. Il perdait ce petit pli entre les sourcils que personne ne remarquait jamais, parce qu'ils ne connaissaient pas cet autre Atlas qu'il lui avait laissé entrevoir. Celui qui se haïssait, celui qui avait mal. Là, avec ses paupières fermées qui cachaient la lueur qu'elle savait apercevoir dans ses yeux, on aurait dit qu'il dormait. Que c'était tout ce qu'il faisait : dormir. Qu'il n'avait pas été retrouvé inconscient dans la voiture qui avait dévalé la falaise, qu'il n'était pas entre la vie et la mort. Les secouristes avaient dit qu'il y avait des bouteilles à côté de lui, les médecins, qu'il y avait de l'alcool dans son sang. Mais Asrae savait que ça ne pouvait pas être vrai, que même pour noyer la pire peine, il aurait été incapable de toucher à ça. Pas après ce qui était arrivé avec Roses. La seule chose dont elle le croyait capable, c'était d'avoir lui-même jeté sa voiture hors de la route. Et elle lui en voulait pour ça.
Une main attrapa la sienne. Elle sursauta à peine. Wolf's Song tira une chaise près d'elle, et le raclement des pieds contre le sol grinça d'une drôle de façon au milieu de ce silence ponctué de bips.

« Je t'ai ramené ça. » murmura-t-il en lui tendant une bouteille d'eau.

Elle le remercia d'un regard et dévissa le bouchon. Il faisait frais dans la chambre, malgré la chaleur extérieure, mais elle avait la bouche sèche. Wolf's dévisagea Atlas sans un mot. Il n'était pas venu pour lui ; c'est à peine s'ils se côtoyaient, et ils ne s'aimaient pas vraiment. Ils avaient pourtant bien des points communs. Asrae savait qu'il n'était présent que pour la soutenir, mais ni l'un, ni l'autre ne l'évoquerait jamais ouvertement.

« Ils continuent de prétendre qu'il était saoul ? s'enquit-elle d'une voix rauque.
– Oui. »

Il employait un ton plus doux qu'à l'accoutumée, et, quand il lui tendit la main, elle l'attrapa pour venir se nicher sur ses genoux. Il referma les bras autour de sa taille comme pour la protéger dans son étreinte.

« Mais tu n'y crois pas une seconde, pas vrai ? » reprit-il, le menton sur son épaule.

Elle acquiesça, appréhendant la suite. Il allait lui demander pourquoi elle était si sûre d'elle, et elle ne pourrait pas lui répondre. C'était une chose qu'elle ne pouvait pas lui dire, qu'elle ne pourrait jamais révéler à quiconque. Elle sentit sa mâchoire se crisper contre son cou, mais la question ne vint pas. C'est là qu'elle réalisa qu'il avait bien plus confiance en son jugement qu'elle ne l'avait cru. Qu'elle se souvint que, même si elle en doutait ces derniers temps, elle avait toujours été cette fille déterminée et sûre d'elle dont on ne pouvait remettre la parole en doute. Et cette fille-là ne voulait pas croire que le gars enrubanné de sparadrap devant elle s'était lui-même envoyé dans ce lit aux draps blancs. Pas alors qu'il aurait dû être sobre mais ne l'était pas. Pas alors qu'il brûlait de faire payer ses actes à Flamme.

« En fait, je crois que c'est elle qui l'a piégé. »

Flamme. Tout revenait toujours à Flamme. Wolf's Song dû percevoir le changement dans sa voix plus calme et assurée, dans la tension de ses doigts qui trahissaient sa colère. Elle le sentit sourire, un petit sourire fugace qui n'avait rien à voir avec une moquerie. Il était juste fier qu'Asrae soit redevenue elle-même. Celle qui avait toujours une explication, une solution.



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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeVen 1 Oct - 16:05



Chapitre 16.2
Episode 2


« Elle ? s'enquit Wolf.
— Flamme. Tu sais...
— Oui, je sais, la coupa-t-il. Tu m'as déjà raconté. Alors, qu'est-ce qu'on fait ? »

Asrae cala ses pieds sur le rebord du lit face à elle et entortilla ses doigts entre ceux de Wolf. Faire ? Qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire ? Atlas était à l'hôpital, inconscient depuis deux jours. La police avait déjà fouillé l'épave de sa voiture, sa maison, et ils interrogeaient les gens. Asrae leur avait parlé de ses doutes, mais elle ne pouvait guère plus. Ils finiraient bien par s’apercevoir que quelque chose ne collait pas, non ? Mais en attendant, elle n'avait pas plus de preuves à leur fournir.

« On pourrait lui faire avouer ? proposa-t-elle. Il suffirait de l'enregistrer. Elle s'est bien vantée devant Atlas comme le méchant d'un film qui révèle son plan, alors, si on part dans les clichés, autant y aller jusqu'au bout non ?
— Tu crois que quelqu'un pourrait nous fournir un stylo-enregistreur ? plaisanta Wolf. Ivy, peut-être ?
—  On peut essayer. Au pire, je suis sûre qu'elle et Blackhole accepteront de nous filer un coup de main. Si on ligote Flamme et qu'on l'enferme avec eux, elle avouera tout sous la torture. »

Lorsque leur rire s'éteignit, le bruit des machines revint se lover dans les oreilles d'Asrae. Ça faisait du bien, de rire. Mais la réalité revenait toujours avec le silence. Pour ne pas regarder le visage d'Atlas, elle fixa le bout de ses chaussures.

« J'étais sérieuse, tu sais. Pour l'enregistrer, hein, pas pour Ivy. »

Elle allait devenir folle si elle restait là sans rien faire, et elle n'avait pas de meilleure idée. Même si son plan bancal échouait, au moins, elle aurait essayé.

« Ca vaut le coup de tenter, répondit Wolf. Et si on commençait par partir ? Je ne pense pas que tu sois très... utile, ici. »

Sa voix hésitante trahissait sa crainte d'un refus, mais il avait raison. Asrae aurait beau rester des heures dans cette chambre, ça ne forcerait pas Atlas à rouvrir les yeux. Ils avaient chacun leurs propres combats à mener.

« Je te rejoins. » souffla-t-elle en se poussant de ses genoux.

Il se releva et hocha la tête d'un air compréhensif. Il fit un geste vers la sortie, mais se ravisa et lui attrapa le poignet pour la serrer contre lui. Asrae ne rouvrit les yeux que lorsqu'il s'écarta et lui déposa un rapide baiser sur le front.

« A tout de suite. »

Et il partit. Lorsque le son de ses pas disparut le long du couloir, la chambre replongea dans le silence ponctué de bips, dans la blancheur d'albâtre et le clignotement des petites lumières. Elle perçu vaguement les voix qui provenaient d'une chambre voisine ; la télévision, sans doute. Oui, c'était ça, juste un journaliste qui lançait un avis de recherche pour un détenu du nom d'Ühesilmne Cowell. Apparemment, il avait sauté d'une fenêtre pour s'enfuir alors qu'il attendait son audience. C'est fou, le nombre de détraqués qui peuvent peupler les rues. Asrae aurait bien aimé que Flamme se jette d'une fenêtre elle aussi, mais d'un peu plus haut que le deuxième étage, histoire de se fouler un peu plus que la cheville. La télévision se tut, signe que celui qui en tenait la télécommande était déjà assez déprimé de se trouver à l'hôpital pour ne pas en plus écouter les mauvaises nouvelles du monde. Et Asrae se retrouva de nouveau seule dans la chambre blanche. Elle resta immobile un instant, luttant contre l'envie de quitter cet endroit. Mais elle se tourna vers le lit, et, glissant les doigts contre ses bras pour réprimer ses frissons, s'avança. Elle s'assit sur le bord du matelas et posa sa main sur celle d'Atlas. Elle aurait voulu en arracher ces tubes et ces aiguilles qui s'y ancraient. Elle aurait voulu le gifler, lui hurler dessus pour qu'il ouvre ces satanés yeux, pour décharger la colère qu'elle ressassait. A la place, ses doigts se crispèrent lorsqu'elle ravala un sanglot.

« Tu as intérêt à te dépêcher de revenir. Ne m'oblige pas à voler les escarpins de Flamme pour t'y forcer ! Je ne suis pas sûre que les infirmiers apprécieraient que je frappe un patient à coup de talons aiguilles. »

Par contre, quand il sortirait de là, il n'y aurait plus personne pour le protéger de son courroux ! Son rire s'étrangla. Elle essuya ses yeux d'un geste trop brusque et esquissa un sourire grimaçant.

« En plus, Pitre ne va pas être content si tu ne retourne pas le voir. On a bien essayé de l'introduire en douce hier, mais on s'est fait repérer. Il ne te pardonnera pas, si tu continues de faire la sieste. »

Elle fixa les doigts d'Atlas sous sa main, comme si elle s'attendait à les voir bouger. Les machines bipaient. Les lumières clignotaient. Lui restait impassible.
Elle se redressa brusquement, s'éloigna vers le couloir d'un pas qui résonnait de colère. Ses doigts se refermèrent sur la poignée. Elle hésita.

« Et moi non plus. »

La porte s'ouvrit, et, à contre-cœur, Asrae la franchit.



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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeSam 2 Oct - 11:42



Chapitre 17
Episode 2


Anoki tapotait nerveusement le sol de son pied. En levant les yeux, il croisa son reflet dans une vitre, et mit quelques secondes à réaliser que le nid sur sa tête n'était autre que ses cheveux. Il tenta tant bien que mal d'apprivoiser ses boucles hirsutes en jetant un regard de reproche à Hurricane. A en juger par son expression, le rouquin qui riait sous cape avait très bien remarqué la coiffure de son ami, et délibérément choisi de ne pas lui en toucher mot. Il l'aurait laissé entrer dans le bureau du directeur avec cette tête-là, le traître ! Anoki lâcha une exclamation outrée et se jeta sur lui. Hurricane glapit quand il lui attrapa les épaules et essaya de se débattre contre la main qui lui ébouriffait la mèche. Il gigota si bien que les deux compères perdirent l'équilibre et s'étalèrent au milieu du couloir en gloussant.
Ils ne cessèrent de se chamailler qu'en s’apercevant que les voix derrière la porte s'étaient tues. Quelqu'un se racla la gorge. Ils échangèrent un regard gêné et s'empressèrent de se relever, époussetant leurs vêtements. Anoki s'attendait à voir la porte du directeur s'ouvrir d'un instant à l'autre, mais les conversations finirent pas reprendre. Il s'affala contre le mur avec un soupir soulagé.

Comme il n'osait plus faire de bruit, Anoki s'efforça d'entendre la discussion. L'heure de leur convocation avait déjà été dépassée d'un bon quart d'heure, empiétant sur leur cours de mathématiques avec Electra — ce qui ne les dérangeait pas le moins du monde —, mais le directeur ne semblait pas pressé de les recevoir. Lorsqu'ils étaient arrivés, on leur avait simplement demandé de patienter encore un peu. Ils n'avaient rien pu entrevoir dans l'ouverture de la porte, avec la large carrure du CPE qui semblait volontairement leur boucher la vue, mais à en croire les ombres derrière la vitre opaque et le nombre de voix, le bureau était plein. Les voix lui parvenaient par brides étouffées, ponctuées ici et là d'exclamations un peu plus audibles.

« Je crois qu'ils parlent d'annuler des cours... » souffla-t-il à Hurricane.

Ce dernier le dévisagea derrière ses touffes de cheveux roux hirsutes. Ce genre d'information ne pouvait que piquer l'intérêt de tous. Ils tendirent tous deux l'oreille. Anoki réussi à capter quelques mots, à propos d'hôpital, d'une annonce et de prévenir les professeurs, avant que des murmures et du mouvement ne l'avertissent de la fin imminente de leur réunion. Il chassa de son visage l'expression de celui qui écoute aux portes à l'instant où la poignée tournait pour déverser un groupe de professeurs dans le couloir. Il reconnu aussi une infirmière et plusieurs membres du personnel du lycée. Quand la porte se rouvrit sur deux policiers, il échangea un regard perplexe avec Hurricane. Ils n'eurent guère le temps de s'attarder sur la raison de cette assemblée. A peine refermée, la porte s'ouvrit de nouveau et le CPE, Daniel November, leur indiqua d'entrer.



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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeDim 3 Oct - 17:54



Chapitre 17.2
Episode 2


Il ne restait plus que lui et le directeur, qui refermait un tiroir avec un visage grave. Il leur fit signe de s'installer en désignant les sièges face à son bureau, et rangea encore quelques papiers avant de croiser les mains.

« Bien, commença-t-il de sa voix marquée d'un fort accent scandinave. Je suppose que vous connaissez la raison de cette convocation ? »

Ils hochèrent la tête à l'unisson. Anoki se demanda si c'était à cause de l'incident des chiots, qui avaient saccagé la salle de chimie la veille, que s'était tenue la réunion. Peut-être avaient-ils libéré des substances toxiques qui impliquaient une fermeture du lycée ? Il grimaça à l'idée que quelqu'un se soit retrouvé à l'hôpital à cause de lui.

« Si je peux me permettre, M. Ægishjàlmsson, c'est uniquement ma faute. Hurricane n'y est pour rien. »

Il baissa les yeux avec culpabilité, se maudissant pour la centième fois de causer des ennuis à son ami alors que celui-ci n'était pas présent quand les chiots lui avaient échappé. Hurricane ne lui en tenait pas rigueur, mais il ne put s'empêcher de lui glisser un regard. Le rouquin le dévisageait en rougissant.

« Vous étiez tous deux responsables de ces animaux. Vous avez eu beaucoup de chance qu'il ne leur arrive rien. » intervint le CPE, dont l'habituel sourire jovial avait été remplacé par un pli entre les sourcils.

Les chiens étaient miraculeusement indemnes. Même la couleur rose vif d'Okiwotahena était bénigne ; le vétérinaire avait réussi à l'estomper, mais sa teinte rosâtre ne disparaîtrait pas avant plusieurs semaines. Malheureusement, les deux dog-sitters s'étaient vu retirer la garde de tous leurs protégés, ce qui était sans doute le plus difficile à supporter de toutes les conséquences de la catastrophe.

« Il s'agit d'un incident grave, reprit le directeur. Il n'y a par miracle pas eu de blessés, mais une grande quantité de dégâts matériels. Que vous devrez rembourser. »

Anoki sentit une boule dans sa gorge et hocha la tête, les yeux rivés sur le bureau en bois. Il se jura de payer lui-même la part de Hurricane, même s'il n'avait aucune idée de comment rassembler ce qui devait être un montant astronomique à présent qu'ils ne pouvaient plus garder d'animaux.

« Et j'espère que quelques heures de travaux d'intérêt général pourront vous responsabiliser. Tous les jours, après les cours, pendant deux semaines. Suite à... certains événements, vous ne commencerez que lundi. »

Anoki redressa le nez avec une certaine perplexité. Il s'était attendu à être renvoyé, peut-être même à finir au poste. Deux semaines de TIG, c'était inespéré. Certes, il y avait la facture à rembourser. Mais la sanction était bien moins lourde qu'il ne le craignait. D'ailleurs, même les réprimandes ne lui semblaient pas aussi sévères qu'elles le devraient. Les deux adultes estimaient-ils que leur frayeur les avait suffisamment punis ? Le directeur se redressa sur son siège et échangea un regard avec le CPE, un pli soucieux sur le front.

« Nous en avons fini. » les congédia-t-il.

En se relevant de la chaise pour sortir, Anoki aurait juré avoir aperçu une lueur bienveillante dans son regard. Il était clair qu'il les ménageait, pour une raison qui lui échappait.

« Je... » bredouilla la voix de Hurricane.

Il fouillait dans son sac. Il en sortit quelques billets chiffonnés que Anoki reconnu comme étant l'argent du dog-sitting et les posa sur le bureau.

« C'est pour rembourser, glissa-t-il d'une petite voix.
– Je crains que cela ne suffise pas. »

Hurricane dévisagea le directeur avec un air aussi désespéré que penaud. Il jeta un regard en arrière, vers Anoki, dont le cœur manqua un battement lorsqu'il comprit ce qu'il s'apprêtait à faire. Il voulu le retenir, l'empêcher de commettre l'irréparable, mais ses bras refusaient de bouger. Comme un brave se lançant dans la bataille, Hurricane plongea les mains dans son sac et en tira une forme mystérieusement plus grosse que le sac lui-même. Et sous l’œil effaré d'Anoki, il poussa sur le bureau le pot de Nutella.



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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeLun 4 Oct - 16:48



Chapitre 18
Episode 2


Asrae inspira comme si cela pouvait lui donner du courage. Elle leva un poing crispé et cogna fermement ses phalanges contre la porte. La veille, à la même heure, elle se tenait au chevet d'Atlas. Mais aujourd'hui, y retourner aurait été inutile. Wolf avait eu raison ; elle avait été parfaitement inutile, tout ce temps. Atlas ne pouvait même pas être conscient de sa présence. Il n'avait fait que dormir. Et il dormait encore, n'est-ce pas ? Elle aurait voulu s'en persuader. Peut-être que ça aurait rendu l'idée réelle ? Qu'elle aurait pu le revoir, peut-être le lendemain, peut-être même juste en ouvrant cette porte. Il aurait été assis dans le canapé à repousser les assauts de Pitre, avec son air renfrogné, avec ce petit pli d'amertume entre les sourcils. Elle sourit à cette image, mais son sourire avait un goût salé. La dernière fois qu'elle avait quitté sa chambre blanche, elle lui avait juré qu'elle ne lui pardonnerait pas de l'abandonner. Et, ce qui lui faisait le plus mal, c'est que c'était vrai.
Elle levait la main pour toquer de nouveau lorsque la poignée remua avec un cliquetis. La porte s'ouvrit sur le visage d'Albion. Il avait les mêmes cheveux clairs que Luna. La même peau pâle, les mêmes longs cils argentés. Il avait des yeux plus sombres et une silhouette plus robuste, mais ressemblait à sa sœur jusque dans la façon dont il tenait Pitre entre ses bras. Asrae se demanda s'il n’apercevait pas parfois un fantôme dans le miroir. Elle déglutit et son regard fut attiré par une pile de cartons contre un mur.

« On... On va partir, expliqua-t-il. Avec tout ce qu'il s'est passé, et...
— Je comprends. »

Ils se dévisagèrent dans un silence un peu gêné. Des bruits à l'étage indiquaient que le père d'Albion était là, occupé à emballer leurs affaires. Cette maison, cette ville leurs rappelaient trop de souvenirs, leurs étaient trop douloureuses. Fuir avait quelque chose de lâche, mais parfois, ça ne l'est pas. C'est simplement la meilleure solution pour continuer à avancer, pour démarrer une autre vie. Sans doute Asrae aurait-elle fait de même, si cela avait été possible.

« Tu avais besoin de quelque chose ? s'enquit Albion en la rejoignant à l'extérieur pour fermer la porte.
— En fait... C'est Atlas. Il...
— Je sais. »

L'adolescent baissa les yeux vers ses pieds, et Asrae lui fut reconnaissante de lui avoir coupé la parole. Poser des mots sur ce qui était arrivé n'aurait fait que le rendre plus réel et plus douloureux.

« Je crois que ça a été le coup de grâce qui a décidé mon père à partir. » reprit-il.

Asrae comprit qu'il s'en voulait de déménager après ça, alors que elle l'avait soutenu lorsqu'il avait perdu sa sœur. Lui aussi avait été ami avec Atlas, comme elle avait été amie avec Luna. Il y avait un chagrin qu'ils partageaient.

« On se reverra, un de ces jours. Il faudra bien te présenter la licorne d'Ivy le jour où elle en dénichera une. » plaisanta-t-elle pour le dérider.

Il décrocha un sourire et se pencha pour poser Pitre sur l'herbe. En voilà un qui ne serait pas mécontent de revoir Ivy, même s'il avait manqué de finir étouffé par ses câlins une bonne centaine de fois.

« Il paraît que tu as essayé de faire parler Flamme ?
— Oui, grimaça Asrae, et ça n'a pas été une réussite. Elle a failli me crever un œil avec une brosse à cheveux, puis Blackhole est arrivé en hurlant qu'il avait un pied-de-biche-enregistreur. »

Pourtant, elle avait presque cru qu'elle réussirait. Flamme était devenue livide en la voyant, avant de ne lui balancer sa brosse à la figure. Elles auraient sans doute fini par se battre sans l'intervention de Blackhole. En fin de compte, c'était sans doute mieux qu'il ai ruiné son plan à cet instant.

« Mais je ne compte pas laisser tomber. Encore moins maintenant. Je trouverais bien autre chose. »

Albion lui rendit son sourire. Asrae savait qu'il avait compris sa promesse. Même s'il partait, il resterait toujours quelqu'un ici qui se battrait pour sa sœur, jusqu'au bout. Et qui se battrait pour deux, maintenant qu'Atlas était mort.



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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeMer 6 Oct - 21:22



Chapitre 19.1
Episode 2


Anoki se hâta de s'éloigner avec une grimace de dégoût. Il sentait dans son dos le regard sévère de l'agent d'entretien avec lequel il venait de passer les deux dernières heures, à récurer les coins les plus obscurs du lycée. Une obscurité qu'il ne quantifiait pas tant en luminosité qu'en saleté. Il commençait à sérieusement revoir sa position sur la prétendue bienveillance de M. Ægishjàlmsson. Dans deux semaines, s'il survivait jusque-là, il serait un pro du balais-brosse.
Il tomba sur Hurricane au détour d'un couloir. Littéralement — il eut à peine le temps d'entrevoir quelque chose de roux avant que son nez ne s'écrase dessus. L'une des grandes qualités de son ami était d'être fort confortable. C'était un fait dont il avait de nombreuses fois eu le loisir de s’apercevoir, parce que la gravité semblait s'appliquer différemment pour eux que pour le reste de l'humanité.

« J'espère que tu ne viens pas de nettoyer les toilettes... marmonna Hurricane en le repoussant.
– Eh ! Je me suis lavé les mains ! »

Anoki s'écarta pour le laisser se relever. Il lui tendit le sac qu'il avait laissé tomber lors de leur collision, et lui ôta subrepticement une peluche de poussière des cheveux quand il tourna la tête. Il avait vu assez de poussière ces deux dernières heures pour remplir son quota à vie.

« Tu as hérité de quelle corvée, toi ? s'enquit-il.
– Ménage dans la salle de gym, grimaça Hurricane. Je ne savais même pas que cette salle existait. »

Récurer la sueur de tout le lycée au milieu d'engins de torture. Beurk. Mais au moins, Hurricane avait eu un superviseur sympa ; il s'était retrouvé avec Colt, un type rondouillard que tout le monde appréciait plus ou moins dans le lycée. Ça avait un peu tempéré la culpabilité qu'Anoki ressentait toujours pour avoir entraîné son ami dans ce pétrin. Surtout depuis qu'on leur avait annoncé la mort d'Atlas, quelques heures après leur convocation chez le directeur. Ils avaient eu le week-end pour se remettre, mais la nouvelle restait un peu dure à digérer. Ils avaient déjà perdu une camarade deux semaines auparavant, et ils connaissaient Atlas depuis longtemps. Anoki encaissait plutôt bien, sans doute parce qu'il n'avait jamais été proche du grand brun. Ils ne s'appréciaient même pas. Il savait que c'était plus dur pour Hurricane, parce qu'il y avait une entente mystérieuse entre les deux. Comme quoi, tout le monde adorait le rouquin. Il devait avoir un charme irrésistible.

« J'ai cru voir Nuage d'Orage par la fenêtre, reprit-il. Il tirait une tête bizarre. On pourrait aller jeter un œil. »

A vrai dire, il y en avait un autre qui tirait une tête bizarre. Anoki connaissait par cœur son ami, et il ne pouvait passer à côté du fait qu'il ne semblait pas en grande forme. C'était déprimant de le voir déprimé. A l'heure qu'il était, ils auraient dû être en train de promener leur gang canin, ou plutôt, de se faire promener par eux. Poème trottinerait en tête en se déhanchant comme une princesse, Atalante tenterait de fureter dans tous les buissons, Imahel et Iko se chamailleraient sous l’œil d'Isis, Packo baverait en lorgnant sur une boulangerie et Okiwotahena s'emmêlerait les pattes pour finir la truffe dans la poussière. Ils auraient peut-être même eu Pitre et son éternel entrain, et le bel Alastar ! Sauf qu'ils ne reverraient plus jamais la plupart d'entre eux. Albion s'en allait avec Pitre, et, à cause de ce qu'il s'était passé, on ne leur confierait plus de chiens. Et à cette idée, Anoki se dit que Hurricane avait bien raison ; aller fouiner dans les affaires de Nuage, c'était un bon moyen de penser à autre chose.



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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeVen 8 Oct - 13:48



Chapitre 19.2
Episode 2


Nuage d'Orage n'était plus seul. Il était avachi sur un banc, les yeux rougis, sa tignasse blonde plus ébouriffée encore qu'à l’accoutumée. Il semblait plongé dans une partie d'échecs avec Electra, et Anoki doutait d'avoir déjà vu joueurs plus pitoyables. La prof brandissait une bouteille remplie d'un liquide transparent qui n'était certainement pas de l'eau, en marmonnant des mots inintelligibles. Elle la reposa sans grâce sur la table pour bouger un pion, bousculant la moitié des autres pièces au passage. Mais le blond n'accorda pas plus d'importance qu'elle au fait que la quasi-totalité des pièces gisaient sur le côté, sur des cases où elles n'auraient vraisemblablement jamais dû atterrir, et que l'un des rois avait même quitté le plateau pour finir coincé entre deux planches de la table. Il se contenta d'avancer un pion de trois cases en sanglotant.
Anoki échangea un regard confus avec Hurricane.

« Oh, salut les gars ! Vous vous joignez à nous ? » leur lança Nuage d'une voix pâteuse dont les inflexions s'achevèrent dans un sanglot.

Il tapota le banc à côté de lui en les interrogeant du regard. Enfin, Anoki devina l'interrogation plus qu'il ne la vit, parce qu'il avait plutôt des yeux de basset, option brouillard en plus. Un instant plus tard, il était persuadé d'avoir décliné l'invitation pour filer chercher un psy. Sauf qu'il s'aperçut qu'il était assis entre Hurricane et Nuage et qu'ils partageaient un paquet de mouchoirs.

« C'est fini, c'est sûr ! pleurnicha Nuage avant de souffler bruyamment sa morve dans un kleenex.
— Au moins, répondit Electra en lui tendant la bouteille, tu as un minimum d'espoir avec ta Utopie. »

De ce qu'en avait compris Anoki, Nuage s'était disputé avec Utopie et était persuadé qu'elle allait le quitter, et Electra déprimait parce que l'amour de sa vie était gay. Il attrapa la bouteille avant que le blond n'ai le temps de refermer la main dessus et jeta un œil à l'étiquette.

« Depuis quand tu bois de la vodka, Pitchou ? marmonna-t-il avant que Nuage ne la lui arrache des mains.
– C'est Electra qui a trouvé ça dans le casier d'Atlas. »

Dans son geste trop brusque, il en renversa la moitié sur l'échiquier et le tsunami alcoolisé emporta les dernières pièces encore debout. Après quelques secondes à bouger des pions fantômes, les deux joueurs s'en rendirent compte et abandonnèrent enfin leur partie. Le pot de pâte à tartiner que se partageaient Anoki et Hurricane commençait à avoir un goût d'alcool, mais ils étaient trop déprimés pour le sentir. D'ailleurs, ils n'auraient pas gâché la moindre miette, même si un rat crevé s'y était trouvé. Le chocolat est un anti-dépresseur, qu'ils disaient ! Anoki aurait bien aimé que ça lui fasse oublier qu'il avait perdu les chiots, qu'il devait rembourser tout un labo de chimie, que Roses lui manquait depuis qu'elle était partie en Angleterre, et toutes ses ruminations, mais, à défaut, il ne lui restait qu'à ruminer dans un sens plus littéral.
C'est à peine si le petit groupe de déprimés s'aperçut qu'il venait de s’agrandir lorsqu'une silhouette s'assit sur le banc à côté d'Electra, les yeux dégoulinants de traînées de mascara. D'un geste un peu trop grand, la nouvelle venue arracha la bouteille des mains de Nuage et contempla d'un regard quasi-bovin le vide qui en atteignait le fond, en meuglant quelque chose qui s'apparentait à un ''oh, tiens, ça vient de chez moi ça''.

« Bonjour Flamme. » l'accueillirent-ils en cœur, entre un sanglot et un bruit de morve.

Electra lui tendit une seconde bouteille, identique à la première dont la course venait de s'achever sur le sol, en équilibre sur un tas de pièces d'échec.

« Vas-y, raconte, on est entre amis. » marmonna Nuage.

C'est fou comme broyer du noir en réunion rapproche les gens.

« Je vais finir en taule. Et vous ?
— Je suis amoureuse, répondit Electra en laissant tomber son front sur la table. Tu sais, Colère du Ciel ?
— Quoi, le type qui est sorti avec la mère de Rey ? »

C'était sans doute la première fois que Anoki voyait Flamme tenir un début de conversation qui ne soit pas centré sur elle. S'il n'avait pas ingurgité une boisson douteuse et que son esprit n'était pas vidé par le cafard, il se serait attendu à ce qu'une bombe tombe sur leur tête à l'instant même face à ce qui semblait être Flamme et Electra en train de dialoguer. Cette dernière changea d'ailleurs brusquement de couleur, et, après être passée par une vaste palette chromatique où dominaient le blanc et le rouge, failli s'étrangler.

« Il est sorti avec une femme ? Il est pas... Pas gay ? »

Elle n'attendit pas la réponse de Flamme, qui semblait se demander pourquoi elle lui parlait de pagaies, et se releva. Elle se prit les pieds dans le banc mais se retint à la tête de Nuage et partit à vive allure vers la rue. Anoki et le reste du groupe la suivirent du regard tandis qu'elle zigzaguait, courant à moitié, jusqu'à se manger un arbre. Au moins, elle s'était arrêtée avant de se manger une voiture.



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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeSam 9 Oct - 20:42



Chapitre 20
Episode 2


Flamme était rentrée chez elle où elle avait de nouveau fondu en larmes. Elle en avait marre, tellement marre de tout ça ! Elle avait cru pouvoir maîtriser la situation, sauf que ça la dépassait. De très loin. Il n'y avait plus devant elle qu'un mur gigantesque vers lequel elle se précipitait, et elle n'avait pas d'autre choix que de l'escalader à s'en arracher les ongles si elle ne voulait pas s'y fracasser. Mais au moindre faux pas, elle chuterait de plus belle. Mais qu'est-ce qu'elle avait fait ? Qu'est-ce qu'elle avait fait ?! Bon sang, ça la rendait folle, elle était folle ! Elle ne pouvait pas laisser tout ça la noyer. Elle ne pouvait pas. Elle n'allait pas se laisser tirer comme un pigeon. Ni se laisser écraser comme un moustique. Elle trouverait une solution, encore, toujours. Mais ça devait s'arrêter. Ce n'était pas d'un autre répit dont elle avait besoin, mais de tout arrêter. D'une solution qui soit définitive. Et si, par la même occasion, elle pouvait éviter de faire encore une autre bourde... Elle lâcha un nouveau sanglot en froissant le tissus au-dessus de son cœur. Elle n'avait pas voulu ça ! Juste... Juste leur faire comprendre. Repousser loin d'elle leur menace, comme un animal acculé qui attaque. Ils ne lui avaient pas laissé le choix ! Mais toute cette rage, toute cette haine, comment ça pouvait être elle ? C'était leur faute, leur faute, la leur uniquement ! Et ils avaient l'audace de l'enfoncer comme ça dans le pétrin ! Ils allaient le payer, ils allaient... Oh, stupide, stupide Flamme ! Regarde où tout ça t'a menée ! Il n'y a plus personne pour le payer, plus que toi et tes erreurs. Bien sûr que non, tu ne voulais pas ça. Tu ne voulais pas souffrir. Mais tu l'as fait, et il est trop tard pour revenir en arrière. Tu peux bien pleurer, ça ne changera rien. Et tu continueras de pleurer. Tu continueras de te chercher des excuses. Tu n'as aucune excuse. Tu rejetteras la faute, mais la faute est tienne. Tu devrais le reconnaître, Flamme. Tu seras obligée de le faire un jour. Mais tu ne le feras pas.
Elle essuya ses yeux sur son avant-bras, barbouillant sa peau de larmes et de maquillage. Entre deux sanglots, elle essayait de reprendre son souffle, de réprimer cette boule qui enflait dans sa gorge et menaçait de l'étrangler. Une solution. Une solution, voilà son objectif. Elle était Flamme, elle obtenait toujours ce qu'elle voulait. Elle allait trouver un moyen de s'en sortir, comme chaque fois. Peut-être même qu'elle allait se réveiller et s’apercevoir qu'elle n'avait pas été si conne. Elle avait si longtemps cru au bien fondé de la vengeance, de ce sentiment qui l'habitait et la drapait comme une armure, qu'elle ne s'était jamais rendue compte que ça pouvait la heurter elle aussi. Maintenant qu'elle ployait sous son poids, qu'elle peinait à la porter, qu'elle suffoquait d'y être enfermée, elle ne savait plus comment s'en défaire. Elle avait peur de s'en défaire. De se retrouver nue et vulnérable, sans défenses. C'était ça, le pire ; elle était incapable de reprendre son souffle. Elle ne pouvait que se laisser couler lentement, se débattre en sachant qu'elle allait devoir céder. Elle connaissait la solution : céder. Il n'y en avait pas d'autre. Elle avait plongé trop bas pour pouvoir retrouver la surface, et elle suffoquait déjà. Là où elle se trouvait, même Rey ne pouvait plus l'aider.

Elle prit une grande inspiration, essuya de nouveau ses larmes et défroissa ses vêtements. Elle allait s'en sortir. Elle s'en sortait toujours. Peut-être même qu'un jour, tout ça ne lui ferait plus aussi mal. Elle arriverait à avancer, elle oublierait. Jamais elle n'avait cru que ses actes la blesseraient autant. Mais c'était derrière elle, et elle avait un avenir à préserver, à recoller. Elle irait le recoudre avec des mensonges, et tant pis si les sutures restent maladroites, tant pis si le sang ne sèche pas tout à fait.



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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeDim 10 Oct - 19:17



Chapitre 20.2
Episode 2


Ses mains tremblaient un peu lorsqu'elle plia le papier. Les grosses lettres parsemées de fautes d'orthographe et de quelques ratures se diluaient ici et là dans les taches humides qu'avaient laissées des larmes. Flamme n'était pas très douée pour écrire, et plusieurs feuilles froissées et déchirées gisaient près d'elle. Mais elle aurait été bien incapable d'affronter Rey en face.

Elle hésita longuement. Elle ne s'était jamais rendue compte de combien le chemin entre sa maison et celle de son amie était court. Elle l'avait emprunté si souvent, sans y penser, pas après pas. Aujourd'hui, ces mêmes pas sonnaient les battements de son cœur envahi de doutes. Elle prit une inspiration, essayant de se souvenir de l'instant où elle avait pris cette décision, de pourquoi. Ses doigts moites froissaient et défroissaient la feuille. Comment une simple page blanche griffonnée d'un peu d'encre peut-elle cristalliser tant d'appréhensions, faire basculer tout un monde ? C'était là. Maintenant. Le dernier instant de cette vie. Après, elle ne pourrait plus revenir en arrière.
Elle chassa ses doutes pour faire place à la détermination et s'avança vers la porte. Lorsque Rey viendrait ouvrir en se demandant qui pouvait bien sonner, elle ne trouverait qu'un simple papier. Et tout s'effondrerait.

Flamme n'avait pas perdu de temps. Elle devait en finir vite, avant que sa volonté se fissure. Elle courrait presque, bousculant les gens sur les trottoirs, entendant à peine leurs protestations. Elle s'appliquait à penser à son itinéraire, surtout pas à sa destination. Elle avait déjà répété cent fois dans sa tête les mots qu'elle allait prononcer. Et elle s'était déjà répétée mille fois que tout irait bien. Elle aurait aimé être assez bonne menteuse pour s'en convaincre.
Elle s'arrêta face au commissariat. Il était déjà trop tard pour faire marche arrière. Il lui suffisait juste de traverser cette route, de demander à voir un flic. Et d'espérer.
Quand je le lui ai dit, il est devenu fou, il... Je ne voulais pas que ça finisse comme ça ! Je vous jure, je ne voulais pas mettre le feu, je ne savais même pas qu'elle était là-dedans !

Un crissement de freins rompit sa bulle. Lorsqu'elle reconnu la voiture, elle su ce qui allait suivre. Elle sentit son sang refluer et ses muscles se crisper avant même que la portière ne s'ouvre et que sa conductrice écarlate en jaillisse.

« Tu m'expliques un peu ce qu'il se passe ?! » vociféra Rey en se précipitant vers elle.

Flamme sentit les larmes enfler sous ses paupières, sans trop savoir si elles étaient appelées par la rage de son amie ou par la question désespérée qu'elle lisait dans son regard.

« Pourquoi j'ai trouvé ça devant chez moi ? C'est quoi ce bordel, Flamme ?! » hurla-t-elle encore en lui jetant une boule de papier à la figure, la voix modulée de tremblements comme si elle attendait d'entendre que ce n'était qu'une blague.

Les morceaux de la feuille déchirée s'éparpillèrent sur la chaussée. Rey empoigna les épaules de la rouquine, les yeux rougis et les joues marquées de sillons. Flamme entrouvrit la bouche, mais aucun mot ne semblait exister.

« Dis-moi que ce n'est pas vrai. » supplia l'adolescente sans prêter attention à la larme qui coula sur sa joue.

Et Flamme aurait tant donné pour pouvoir le faire ! Mais elle ne pouvait que baisser le regard, essayer de réprimer ses larmes et de ne pas succomber au poignard qui s'enfonçait dans son cœur. Face à son silence, l'expression implorante de Rey se mua en quelque chose qui ressemblait à de l'horreur.

« Je suis désolée, Rey. Je ne veux plus te mentir. »

L'adolescente recula, trébuchant à moitié. Flamme pouvait voir dans ses yeux écarquillés les émotions qui se disputaient, l'incrédulité, la colère, la douleur. Rey plaqua ses mains sur sa bouche, comme si elle essayait de réprimer le sanglot qui lui échappa. La rouquine s'avança vers elle, son nom au bord des lèvres. Elle eut l'impression que son amie venait de la gifler lorsqu'elle recula encore.

« Ne m'approche pas ! Ne m'approche plus jamais ! » lui cracha-t-elle.

Flamme s'immobilisa. Elle sentait la nausée la gagner, sa tête commençait à tourner et le monde à tanguer. Rey la haïssait. Dans ses yeux dorés, c'était tout ce qu'elle voyait à présent : de la haine.

« Je ne voulais pas ! l'implora-t-elle. Je... C'est arrivé, c'est tout ! Rey, je suis désolée !
—Garde tes excuses. Tu as... Et moi je te croyais, j'étais persuadée que ça ne pouvait pas être toi !
— Je sais que je n'aurais jamais dû te mentir. C'était pour ça... La lettre... »

Flamme essuya ses lames d'un revers de main. Rey ne comprenait pas. Mais elle ne pouvait pas la détester comme ça, elle ne pouvait pas l'abandonner ! Elle avait besoin d'elle. Elle avait tellement envie de retrouver son amie, d'entendre que ça allait s'arranger, qu'elle lui pardonnait...

« Ta lettre ? Ta fichue lettre ?! Bien sûr que c'était pour ça, tu te moques bien de ce que tu as fait ! Tu crois qu'il n'y a que ton mensonge qui te fasse du tord ! »

Rey ne semblait pas se soucier des passants qui leur jetaient des regards torves. Elle hurlait à en cracher ses poumons, prise d'une rage sous laquelle Flamme ne pouvait que se recroqueviller.

« Rey, écou...
— Ferme-la ! » aboya Rey.

La rage brûlait dans ses yeux, et rien n'aurait pu empêcher ce qui arriva. Elle se jeta sur Flamme, la gifla, la griffa, crachant des injures acérées comme des lames. Ses ongles arrachaient la chair de la rouquine qui tentait vainement de la repousser, le visage en sang. Rey, sa meilleure amie, sa plus loyale confidente, la seule qu'elle ai jamais apprécié, n'était plus qu'une furie qui la rouait de coups, la défigurait de sa rage. Qui couvrait la chaussée de gouttes vermeilles et de larmes.

« Tu les as tués ! Tu les as tués, salope ! » hurlait encore Rey lorsque des mains l’agrippèrent pour les séparer.



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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeLun 11 Oct - 15:12



BONUS
La lettre


« Je suis désolée de ce que j'ai à te dire, et de la façon dont je le fais. Ce n'est pas très honnête de ma part de te laisser un tel message comme ça, sans doute, mais je ne sais pas si j'aurais le courage de te l'avouer en face.
J'ai pensé des dizaines de fois à te le dire, il faut que tu le saches. Je ne veux pas avoir l'air de me chercher des excuses, mais je pense qu'il faut que je te dise ça, que je t'explique pour que tu comprennes. J'ai besoin que tu le comprennes.

J'ai du mal à trouver les mots, alors excuse-moi si ça te paraît un peu maladroit. J'ai toujours eu du mal à exprimer ce que je ressens, ou à le comprendre. En fait, je crois que c'est juste que je ne le sais pas vraiment. J'ai toujours été tellement indécise et incapable de saisir mes sentiments, comme s'il y avait un verrou en moi qui bloquait tout ça. Tout est si confus. Parfois, ça se mélange, et je n'arrive même plus à distinguer qui je suis vraiment, qui je voudrais être, qui je crois que je suis. Je dérive. Je passe d'un état à l'autre et je ne sais pas lequel est le plus vrai. Quand je crois avoir saisi quelque chose, je me rends compte que ce n'était qu'un mensonge de plus. Mais j'ai eu du temps, pour réfléchir. Pour me demander pourquoi je t'ai fait ça, et je crois avoir compris.
Je l'ai fait parce que tu comptais trop pour moi. Parce que j'avais peur, peur de ça, peur de te perdre, peur de beaucoup de choses en fait, parfois contradictoires. J'ai toujours eu besoin d'un... ancrage. De quelque chose auquel je puisse me raccrocher, quelque chose dont je sois sûre. Il y a si peu de constantes dans ma vie, alors j'en cherche, je m'efforce d'en trouver même là où il ne peut y en avoir. Je m'y accroche trop désespérément. Je ne sais pas lâcher prise, je ne sais pas laisser quoi que ce soit partir. J'ai trop peur du changement, trop peur des regrets, trop peur de manquer quelque chose. Tu étais une constante. Une chose immuable que j'allais garder pour toujours, une chose dont j'étais certaine. Le problème, je crois, c'est que je me suis trop attachée. J'attendais trop de cette constante. Je l'aimais juste trop. Je ne pouvais pas supporter l'idée de la perdre, et encore moins qu'elle change. Sauf qu'il n'y a rien d'immuable. Alors, oui, je t'ai tenue à distance, je t'ai caché tout ça. J'ai dit des choses parce que j'avais mal, j'ai fait des choses parce que je souffrais. Le moindre petit truc devient vite dramatique quand on est si impliqué. Je l'étais trop. Je l'ai compris trop tard, ou, plutôt, je ne voulais pas le comprendre. Je ne regrette pas mes actes. Ce que je regrette, c'est d'avoir tout gâché. De ne pas avoir su m'arrêter à temps, d'avoir ignoré tous les avertissements, de m'être dit que cette fois, ce serait différent. Ca ne peut pas être différent, ça ne le sera jamais. Et je dois t'avouer que je ne suis même pas sûre d'être désolée à l'idée d'avoir pu te faire du mal aussi. Je suis égoïste, ça n'est un secret pour personne. Tout ce que j'ai fait m'a déchirée, et mes choix m'ont blessée à un point où je voulais juste que tout s'arrête pour que ça ne puisse plus recommencer. Je suis seule, maintenant. Je l'ai toujours été, même avec toi, parce que je ne faisais que mentir. Tu me connais. Tu es sans doute la personne qui me connaît le mieux, même, malgré toutes ces choses que je ne t'ai pas dites, malgré ce que tu crois savoir et qui est faux. Tu es celle qui sait lire entre mes lignes. Et tu sais à quel point je suis bornée. Je ne lâche jamais l'affaire. C'est comme ça que j'ai pu tenir. Mais je suis plus terrifiée encore. Et fatiguée d'avoir mal. J'ai fait ce que j'ai fait parce que je ne savais pas quoi faire d'autre. Je n'avais pas le choix. C'était la seule chose dont j'étais capable, la seule chose à faire. Et c'était dur, atrocement dur, chaque jour je luttais pour ne pas t'en parler. Mais si je l'avais fait... J'avais tellement peur, tu comprends ! Il fallait que je t'éloigne, avant de tout perdre pour de bon. De nous perdre, de me perdre. C'est pour ça que je t'ai trahie, que j'ai trahi ta confiance, et que je me suis trahie moi-même, qu'importe ce qu'il m'en coûtait. Avec le temps, ça devient plus facile. Pas simple pour autant, mais plus facile. On prend l'habitude, on trouve des choses pour combler le vide.
Je te jure que j'apprends de mes erreurs. Je te jure que j'essaie de faire mieux, à chaque fois. Je n'y arrive simplement pas. Je suis désolée. Je t'aime, Rey. Et, cette fois, c'est la vérité.

Je les ai tués. »



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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeMer 13 Oct - 18:13



Chapitre 1
Epilogue


« Le psy a dit que je pouvais t'écrire. Il me parle comme à une attardée. Je n'aime pas cet endroit, Rey, mais je crois que c'est un peu le cas de tout le monde. Et comme je vais y rester un moment, je suppose que je vais devoir m'y faire. Ils le disent tous. Les filles de ma cellule m'ont dit qu'avec un bon avocat, j'aurais pu gagner quelques années. C'est comme ça que celle qui était là avant moi est sortie. Et avec des parents aussi riches que les miens, ça aurait dû être un jeu d'enfant. Mais ils ne veulent plus entendre parler de moi. Tu le crois, ça ? Moi, leur propre fille ! Ils m'ont abandonnée dans ce trou plein de gens bizarres. Il y a une femme, une grande brune complètement défigurée. Personne ne sait pourquoi elle a fini ici, mais tout le monde en a la frousse. Elle s'appelle... quelque chose comme Echelle. Avec un nom pareil, elle a peut-être bossé avec ton père, tu sais, à vendre des escabeaux. C'est elle qui a l'air de faire la loi dans le coin. Tout est si différent, ici... Tu me manques, Rey. Tu sais que je ne t'en veux pas pour m'avoir frappée, je le méritais très certainement. Moi aussi, je sais ce que c'est que la colère, et je la gère encore moins bien. Peut-être qu'on pourra se revoir un de ces jours. Je t'attendrais. »

« C'est mon anniversaire, Rey. Ici, il n'y a personne pour me le souhaiter. Tu étais toujours la première à le faire, tu te souviens ? En tout cas, pour moi tu l'étais, parce que les autres n'ont jamais compté. Je ne vais pas te mentir ; je n'ai pas pu m'empêcher d'espérer, toute la journée. Et je savais bien que j'allais être déçue encore une fois, que je n'allais rien recevoir. Pourquoi ça changerait ? Pourquoi ça serait différent des deux dernières années ? Je me suis demandée si tu t'en souvenais. C'est stupide, je sais que tu t'en souviens. On ne peut pas oublier quelque chose qu'on a su si longtemps d'un claquement de doigts. J'ai pensé à toi en me demandant si tu faisais la même chose. En me demandant si je te manquais. Tu me manques. Je pense que tu l'as deviné, après toutes les lettres que je t'ai envoyées. Je ne sais pas si tu les lis ou si elles font juste un bon combustible, mais je te suis reconnaissante de ne pas avoir engagé une procédure pour harcèlement. J'espère toujours qu'un jour, tu pourras me pardonner. Que tu me feras un signe. Tu resteras toujours ma meilleure amie, Rey. Je t'aimerais toujours. »

« Est-ce que tu as gardé mes lettres, toutes ces années ? Tu dois en avoir une sacrée pile. J'aurais peut-être mieux fait de les garder pour rembourrer le matelas, surtout qu'il y a une fille qui s'amuse à voler la mousse dans ceux de tout le monde en ce moment. Waterfall a été libérée, elle est partie hier. Tu sais, celle qui était là quand je suis arrivée, qui avait volé un gosse. Elle a déjà été remplacée, une fille qui a pris gros pour une bagarre et qui s'appelle Licorne. Je suis la plus ancienne de la cellule maintenant. Il y a une nouvelle deux cellules plus loin qui passe ses nuits à hurler comme une dingue. Ça fait rire celles d'en face. Tu vois Rey, je m'en sors pas trop mal. Je suppose que ça devrait te rendre heureuse. Mais en fait, je crois surtout que ça t'es égal. Et tu sais quoi ? Moi non plus, je n'ai pas envie que tu ailles bien. Je n'ai pas envie que tu t'en sortes. Chaque jour je me répète en boucle combien je te déteste. Pourquoi je t'aimerais, hein ? Pourquoi je devrais me soucier de toi, alors que tu ne le fais pas ? C'est à cause de toi si j'en suis là. J'ai voulu te faire confiance et tu as préféré me tourner le dos. J'ai toutes les raisons de t'en vouloir, non ? Je te déteste, Rey, je te déteste. Je te hais plus que je ne t'ai jamais aimé. »

« Ma vieille amie, cela va faire dix ans que j'ai envoyé ma dernière lettre. Je suppose que maintenant, tu es mariée, peut-être même maman. Et je t'envoie tous mes vœux de bonheur, en souvenir de notre ancienne amitié. Ne crois pas que j'ai réussi à te pardonner. Que j'ai réussi à vaincre la rancœur que tu as creusé. Je la ressasse encore, jour après jour. Il n'y a pas grand chose d'autre à faire, ici. Malheureusement pour moi, je ne suis pas encore devenue lesbienne. Je vais devoir me résoudre à attendre encore longtemps avant d'avoir l'occasion de sortir du célibat. J'ai bon espoir que, de ton côté, tu ne l'aies pas vaincu avec ce vieil imbécile de Stardust Gray — tu te souviens, le policier devant lequel tu te pâmais ? Je dois t'avouer, à mi-mots et avec tous mes regrets, que je n'ai jamais réussi à oublier Atlas. Je ne sais pas si cela te surprendra. Tu ne l'aimais pas, mais tu le tolérais parce que tu pensais que j'avais de l'affection pour lui. Tu avais sans doute mieux cerné mes sentiments que je ne l'avais moi-même fait. Je te déteste toujours, ma Rey, et pourtant je ne peux pas m'empêcher de t'aimer. Je ne pourrais jamais arrêter d'attendre un signe. D'espérer qu'un jour tu pourras me pardonner, toi plus que n'importe qui d'autre. Mais j'essaierai, j'apprendrais à tourner la page. Tu es et tu resteras toujours ma meilleure amie. Alors, pour cette fois, adieu, ma Rey. »



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MessageSujet: Re: Le brasier des roses   Le brasier des roses - Page 3 Icon_minitimeVen 15 Oct - 15:31



Chapitre 2
Epilogue


Flamme remontait la rue, serrant son manteau autour de ses épaules. Le soleil matinal déversait une lueur blafarde sur sa silhouette solitaire, et le ciel chargé de nuages ne faisait rien pour améliorer son humeur. Elle n'avait même pas cherché à essuyer les traînées de mascara sur ses joues. Cela faisait longtemps qu'elle n'essayait plus. Le son de ses talons qui claquaient sur l'asphalte rythmait ses sanglots étranglés. Il n'y a même pas un an, elle jubilait à l'idée de retrouver enfin sa liberté. Tant d'années qu'elle attendait ces instants ! Tant de décennies à en rêver ! Mais le temps avait abîmé sa peau et son cœur. Elle n'était plus la même. Il y avait une Flamme qui était morte là-bas. Et celle qui restait ne savait plus comment avancer.
Elle avait essayé de reprendre contact avec ses parents, sans réussir. Ils l'avaient rayé de leur vie, comme Rey. Ah, Rey ! Elle aurait volontiers ravalé ses vœux de bonheur, la Flamme. Elle était tombée de haut, en apprenant qu'elle était partie vivre avec nul autre que Stardust Gray. Ils avaient quitté la ville, si bien que la rouquine n'avait jamais revu son ancienne amie, n'avait jamais pu savoir si elle avait définitivement tourné la page et chassé Flamme de ses pensées ou si elle se souvenait encore parfois de leur amitié. Elle avait revu Utopie, cependant. La blonde ne l'avait même pas reconnue. Elle s'était mariée avec Nuage d'Orage, sans surprise, et Anoki n'avait assisté au mariage que pour leur offrir un mouton en cadeau. Une bête tellement frisée que Nuage aurait pu s'en faire des perruques, nommée Gulliver. Elle l'avait croisé une fois, l'irlandais, mais il n'avait pas semblé la voir. Hurricane et lui étaient devenus des références dans le monde canin, à en croire les journaux. En plus d'être les dog-sitters professionnels les plus prisés du coin, ils servaient d'agents au célèbre Packo, le détenteur de tous les records de plus gros mangeur, et sans doute aussi de celui de carlin le plus vieux du monde — ce chien était littéralement immortel. Il devait certainement exister une source de jouvence dans le coin, puisqu'il y en avait une autre qui semblait ne jamais avoir dépassé le stade des six ans. Ivy était aussi bien connue en ville, toujours accompagnée d'un Blackhole qui n'avait pas gagné un gramme d'intelligence. Ils avaient monté le cirque Khy Dada, dont le succès semblait basé sur leurs poneys déguisés, et, à l'occasion, travaillaient aussi comme chasseurs de fantômes.
Flamme avait parfois l'impression que tous avaient eu de belles existences, que les gens qu'elle avait connus et méprisés avaient accompli tout ce que la vie avait pu leur offrir. Et elle, dans tout ça, elle avait tout perdu. Elle n'avait jamais retrouvé le courage de passer devant son ancienne maison, ni celle de Rey, ou même d'Atlas. Elle avait réussi, pourtant, à revenir dans la rue où sa vie s'était brisée. Elle s'était assise en frissonnant en face de l'ancien commissariat, reconverti depuis une dizaine d'années en bureaux, avec l'impression de pouvoir encore voir son sang sur la chaussée. Elle n'avait séché ses larmes qu'en apercevant Electra au bout de la rue, main dans la main avec Colère du Ciel. Ironie du sort, son ancienne prof et souffre-douleur était la seule à la reconnaître et à sembler ravie de lui reparler. Selon elle, c'était grâce à Flamme qu'elle avait pu trouver l'amour, mais malgré ça, elle s'inquiétait un peu et soupçonnait Colère d'avoir des vues sur le nouveau boulanger qui venait de s'installer en ville — un blond avec un bassin fort développé qui possédait un gros chat roux appelé Merlin.

Une voiture klaxonna en dépassant Flamme, la tirant de ses pensées. Elle lui adressa un doigt sans même relever la tête ou chercher à se décaler vers le bord de la chaussée, ignorant les insultes que lui adressa le conducteur. C'était ça sa vie, maintenant : la honte, le ressentiment, la violence. Elle avait appris à se défendre par ses propres moyens, appris à se battre et à lutter. Mais il y avait des menaces bien plus insidieuses qu'elle ne pouvait pas repousser.
Elle avait tant attendu de ces instants, de la vie qui allait enfin pouvoir reprendre. Une vie gâchée, gaspillée, qui allait enfin pouvoir retrouver sa splendeur. Mais la jeunesse l'avait quittée, et avec elle tout ce qui avait pu faire son bonheur. Elle était seule. Plus seule que jamais, perdue, livrée dans un monde auquel elle avait été arrachée des décennies plus tôt. Elle qui avait l'habitude d'avoir le monde à ses pieds et de voir tous ses désirs comblés n'intéressait plus personne. Elle était encore belle, ça, oui. Mais à quoi bon ? Parfois, elle se surprenait à espérer que Rey l'aie tuée pour de bon, ce jour-là.

Elle prenait ce même chemin tous les jours. Pourtant, ce matin-là, elle s'arrêta en longeant le mur du cimetière. La silhouette qui venait de franchir les grilles lui paraissait un peu trop familière. Elle n'avait pourtant jamais vu cet homme aux cheveux blancs, elle en était certaine. Mais le pressentiment qui serrait son cœur la poussa à le suivre jusqu'à une petite tombe fleurie à même le sol, coincée entre deux pierres imposantes. Lorsqu'il se baissa, Flamme parvint à déchiffrer le nom sur la stèle.
Luna. C'était la tombe de Luna.

Tout avait commencé à cause de la fille qui se trouvait là-dessous. Si elle n'avait pas emménagé dans cette ville-ci, si elle n'avait jamais croisé le chemin d'Atlas, rien ne serait arrivé. Flamme n'aurait pas vu sa vie gaspillée comme ça. Rey serait encore à ses côtés. Et cette pensée la tuait. Il est des erreurs qui ne permettent aucun pardon.
La rouquine ne se rendit compte qu'elle avait plaqué ses mains sur sa bouche que lorsqu'elle entendit des pas se rapprocher. Elle se recula dans l'ombre d'un petit mausolée avant de n'être découverte à épier les gens. Elle ne reconnu pas le jeune homme qui approcha. Mais elle connaissait la femme qui suivit, et qu'elle comprit être sa mère.

« Albion ! lança Asrae. Je ne m'attendais pas à ce que tu sois déjà arrivé. »

Elle arborait un sourire toujours aussi radieux qu'à l'époque, de ce même genre qui avait souvent fait bondir la jalousie de Flamme. Qui la faisait bondir une nouvelle fois, en exprimant toute la vie et le bonheur qu'on avait volé à la rouquine. Asrae avait continué d'avancer, et était devenue une femme aussi belle que forte, la mère épanouie de deux jumeaux, là où Flamme s'était effondrée.

Elle se laissa tomber dans l'ombre où elle se terrait et observa ce qui s'apparentait plus à des retrouvailles qu'à un moment de recueillement. Une preuve de plus qu'elle était la seule à être restée coincée dans un passé dont toutes ses anciennes connaissances avaient fait le deuil. Asrae s'était mise à pester en arrachant toutes les fleurs roses de la tombe, menaçant de botter les fesses du responsable de cette infamie. Flamme manqua d'être repérée après qu'une plaque en la mémoire d'un certain Pascal ai atterri non loin d'elle, jetée par une Asrae scandalisée qu'un petit malin s'amuse à la remettre chaque fois qu'elle l'enlevait. Lorsqu'elle s'attaqua à la sépulture voisine, Flamme crut qu'elle comptait poursuivre son œuvre dans tout le cimetière. Puis elle comprit. Sur cette stèle-ci non plus, le nom ne lui était pas inconnu.
Elle se mordit la lèvre pour faire taire la chose qui hurlait dans sa poitrine, quelle qu'elle soit. Une émotion, un cri, une larme. Quelque chose qui aurait pu aussi bien s'apparenter à de la rage qu'à de la peine, qui enflait en une migraine et soulevait son estomac. Elle enfoui son visage dans ses mains pour empêcher le monde de tanguer. Mais cela faisait bien longtemps que son univers ballottait, hors de tout contrôle. Que pouvait-elle bien faire, désormais ? Elle entendait, comme un lointain écho, la fille qu'elle avait détesté et qui se penchait à présent sur les erreurs qu'elle ne pourrait jamais réparer. Juste des cendres, que le vent avait fait danser après qu'elle ai tout ravagé. Les restes de ce que Flamme avait perdu à trop tenir pour acquis. Alors, qu'est-ce que la vie pouvait bien avoir à lui offrir, à présent ? Qu'est-ce qu'il lui restait à espérer, sinon un miracle qu'elle ne méritait pas ? Elle était seule, Flamme, seule et perdue quelque part où personne ne pourrait plus la trouver. Dans un lieu trop sombre qu'aucune étincelle n'éclairait. Et elle avait elle-même soufflé la bougie.
Il ne lui restait plus qu'à s'endormir, et espérer que ce sommeil-là soit sans rêve.



The End



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